La police allemande a lancé contre Anis Amri, 24 ans, une chasse à l'homme à l'échelle européenne mercredi, près de deux jours après l'attentat qui a fait 12 morts et a été revendiqué par le groupe Etat islamique (EI).
Son portefeuille et ses papiers avaient pourtant été découverts dans le poids lourd qui a ravagé lundi soir un marché de Noël. Mais les policiers se sont focalisés toute la journée du mardi en priorité sur un suspect pakistanais, finalement mis hors de cause et libéré. "Ca a duré avant que la police criminelle ne se tourne vers Amri et le considère comme suspect", constate la Süddeutsche Zeitung.
Anis Amri était pourtant bien connu des policiers, du centre de lutte antiterroriste et du parquet. Pendant l'essentiel de l'année 2016, il avait été placé sous surveillance à Berlin car suspecté de préparer un cambriolage pour financer l'achat d'armes automatiques et un attentat. L'enquête a été abandonnée en septembre faute d'éléments probants.
Son expulsion a été bloquéeSa demande d'asile a par ailleurs aussi été rejetée mais son expulsion a été bloquée par son pays d'origine. Malgré cette longue liste de suspicions établie aussi bien au niveau fédéral que dans les Etats-régions de Berlin et de Rhénanie du Nord-Westphalie (ouest), il a été laissé en liberté par manque de preuve.
La presse se demandait dès lors comment les policiers et les procureurs avaient pu rater autant de signaux d'alerte, l'individu ayant par ailleurs été lié des mois durant à la mouvance salafiste et à des prédicateurs de la guerre sainte bien connus.En novembre encore, il avait fait l'objet d'un signalement, avant de disparaître."Les autorités l'avaient dans le viseur et il a quand même réussi à disparaître", s'étonne le magazine Der Spiegel sur son site. Pour le journal local Darmstädter Echo, l'un des problèmes est la multiplication dans un Etat fédéral des échelons de pouvoir et des autorités.
"Pourquoi une personne comme le suspect tunisien a pu jouer au chat et à la souris avec les autorités en charge de son expulsion?", demande le quotidien. "Car le fédéralisme, s'il n'est pas conscient de ses problèmes inhérents, représente un risque pour la sécurité", relève-t-il.
Risque d'une dérive autoritaireHeribert Prantl, de la Süddeutsche Zeitung, relève lui aussi "que des erreurs ont été commises", "la surveillance (d'Anis Amri) n'était ni adaptée ni suffisante". Il souligne cependant qu'"un Etat de droit a le droit d'en commettre, autrement c'est le risque d'une dérive autoritaire à la manière de la Russie ou de la Turquie".
Toujours est-il que plus de deux jours après l'attaque au camion-bélier, la police semble n'avoir aucune idée du lieu où peut se cacher le suspect. Une récompense de 100.000 euros est même proposée.
Mercredi, environ 150 policiers ont perquisitionné un foyer de réfugiés dans l'ouest de l'Allemagne, à Emmerich, où l'homme a séjourné il y a quelques mois, selon des médias allemands. Faute de résultat, les autorités se sont résolues à publier un avis de recherche à l'échelle européenne.
Ces dysfonctionnements ne font pas non plus les affaires de la chancelière Angela Merkel, accusée, en particulier par la droite populiste, d'avoir ouvert l'Allemagne à la menace terroriste en permettant l'arrivée de 900.000 réfugiés en 2015, puis de 300.000 autres cette année.
Elle est aussi critiquée par ses alliés conservateurs bavarois de la CSU, cela à moins d'un an des élections législatives lors desquelles elle compte obtenir un quatrième mandat."On doit tout remettre à plat (...) nous avons besoin d'une autorité de l'Etat forte", a lâché le secrétaire général de ce parti, Andreas Scheuer.
Plus grave encore pour la chancelière, dans son parti, la CDU, des voix s'élèvent aussi pour dire que l'arrivée des migrants a mis l'Allemagne en danger.
"A l'échelle nationale, il y a un grand nombre de réfugiés dont on ne sait pas d'où ils viennent ni comment ils s'appellent. Et ça représente un potentiel d'insécurité important", a jugé Klaus Bouillon (CDU), ministre de l'Intérieur de la Sarre.