Le cas de ce Belge de 16 ans, né au Maroc, n'est pas unique. Les attentats jihadistes du 22 mars 2016 à Bruxelles - 32 morts et plus de 320 blessés - ont provoqué une poussée d'islamophobie.
"Au fond de moi, ça m'a fait mal, mais pour ne pas le montrer, j'ai rigolé avec tout le monde", se rappelle le jeune Bruxellois, qui a finalement quitté après trois mois l'établissement, situé en Wallonie (sud). "Tout ça en raison de mes origines".
Ces attentats ont créé une atmosphère pesante pour les personnes musulmanes ou perçues comme telles, a constaté dès le mois d'avril "Unia", le Centre pour l'égalité des chances et la lutte contre le racisme.
"On ne peut pas nier la réalité: les attentats ont laissé des traces. Il y a plus de peur, de regards suspicieux", selon Patrick Charlier, le directeur d'Unia, qui a noté en particulier une aggravation du "degré de violence" des actes d'islamophobie dans les semaines suivantes.
Ce constat est partagé par le Collectif contre l'islamophobie en Belgique (CCIB). "Les actes islamophobes ont augmenté en quantité et en gravité", affirme à l'AFP son vice-président, Hajib El Hajjaji.
Cette ONG a recensé 120 comportements racistes envers des musulmans en 2016, dont "au moins un chaque jour" dans le mois qui a suivi les attaques, souligne M. El Hajjaji.
L'islamophobie touche en particulier des musulmanes: insultes, passage du propos haineux à l'agression physique.
Le CCIB cite le cas d'un homme frappant de sa mallette et poussant violemment une femme qui sortait d'un hôpital, aux cris de "Sale race de m.... d'Arabes".
Le monde du travail "n'échappe pas à cette polarisation de la société", souligne Patrick Charlier. L'an dernier, les dossiers ouverts par son centre sur base de critères raciaux ou de conviction religieuse ont augmenté respectivement de 14 et 91%.
Le sport est lui aussi touché. Le footballeur Idriss Saadi, qui évolue en 1re division belge, a laissé éclater sa colère à la TV après s'être fait traiter de "sale Arabe, sale terroriste" des tribunes.
"On est dans une époque où ces mots-là ont une certaine portée. C'est très grave", déplorait à chaud ce Franco-algérien de 25 ans.
"On ne voit que la partie visible de l'iceberg" car beaucoup de victimes n'osent pas se signaler en raison du "contexte terroriste" ou de la "perte de confiance dans des institutions comme la police", relève le vice-président du CCIB, tout en faisant état de "gestes d'amitié, d'ouverture et de dialogue".
La réponse des autorités, après les attentats de Paris et Bruxelles, a été la mise en place d'un "Plan Canal", dont l'objectif est de lutter contre la radicalisation dans certaines communes, comme Molenbeek, situées le long du canal de Bruxelles.
S'il contient un volet préventif, ce plan mise surtout sur la lutte contre les trafics, source de financement du terrorisme. Il s'est traduit par un renforcement de la présence des forces de l'ordre.
Problème: des policiers pratiquent le "profilage ethnique" lors de contrôles, une "pratique illégale", accuse la Ligue belge des droits de l'Homme.
"Notre Premier ministre (Charles Michel) doit, à l'instar du Premier ministre canadien Justin Trudeau, envoyer des messages positifs de reconnaissance et de refus des amalgames et de la haine", estime Hajib El Hajjaji, en citant en exemple le "Plan municipal de lutte contre l'islamophobie" de Barcelone.
La capitale catalane s'est donnée 18 mois pour améliorer l'image des musulmans, mettre en valeur la diversité religieuse et lutter contre les discriminations.
Une vision qui corrobore celle du père d'Ahmed, Zine El Aabedin. "On ne peut pas accuser toute une communauté parce qu'un imbécile a posé une bombe. On veut vivre, créer une génération qui agisse pour le bien de la Belgique. On n'est pas là pour poser de bombes. Vous comprenez ce que je veux dire?"