Un projet de résolution présenté par le Pakistan, portant sur les actes de haine religieuse, notamment l’autodafé du Coran, est soumis au vote ce mercredi 12 juillet. Les États-Unis, l’Union européenne et le Royaume-Uni ont déjà annoncé leur intention de voter contre le texte, estimant qu’il mettait en danger la liberté d’expression.
Plusieurs pays occidentaux, dont la France et l’Allemagne, avaient demandé plus de temps pour négocier et parvenir à un consensus, mais le Pakistan a quand même présenté sa résolution après environ quatre heures de débats au Conseil des droits de l’homme (CDH) de l’ONU à Genève.
«La question de savoir où tracer la ligne entre la liberté d’expression et l’incitation à la haine est compliquée», a commenté l’ambassadeur belge Marc Pecsteen de Buytswerve au nom du bloc européen, et «l’UE n’a pas d’autres choix que de demander le vote sur cette résolution».
Ce débat avait été demandé par le Pakistan au nom de plusieurs pays de l’Organisation de Coopération Islamique (OCI), après que le 28 juin, Salwan Momika, un Irakien réfugié en Suède, a brûlé quelques pages d’un exemplaire du Coran devant la plus grande mosquée de Stockholm et pendant la journée de l’Aïd Al-Adha.
La police suédoise avait autorisé le rassemblement, mais a ouvert par la suite une enquête pour «agitation contre un groupe ethnique», au motif que l’autodafé s’est déroulé devant une mosquée. Cet incident a déclenché une série de réactions dans le monde musulman.
- « Une exception » -
Le projet de résolution comporte une condamnation de «tout plaidoyer et manifestation de haine religieuse, dont les actes récents, publics et prémédités, qui ont désacralisé le Coran» et un appel aux pays à adopter des lois leur permettant de traduire en justice les responsables de ces actes.
Il y est demandé à l’ONU d’identifier les pays ne disposant pas d’une telle législation et d’organiser une table ronde d’experts chargés de se pencher sur le sujet. L’ambassadeur du Pakistan, Khalil Hashmi, a estimé qu’il s’agissait d’un texte équilibré qui ne pointait du doigt aucun État.
Mais plusieurs pays occidentaux ont fait part pendant les débats de leur opposition aux lois contre le blasphème, tout en condamnant fermement l’autodafé du Coran en Suède. «Nous regrettons de devoir voter contre ce texte déséquilibré mais il est en contradiction avec des positions que nous adoptons depuis longtemps sur la liberté d’expression», a dit l’ambassadrice américaine Michèle Taylor.
L’ambassadeur britannique Simon Manley a reconnu -comme l’ont fait d’autres diplomates occidentaux et l’ONU- que la liberté d’expression pouvait dans certains cas exceptionnels être limitée. Mais, a-t-il poursuivi, «nous n’acceptons pas de dire que par définition les attaques contre la religion (...) constituent un appel à la haine».
Le Haut-Commissaire de l’ONU aux droits de l’homme, Volker Türk, a souligné que «les discours haineux de toutes sortes augmentent, partout», appelant à les combattre par le dialogue et l’éducation. «Les discours et les actes incendiaires contre les musulmans, l’antisémitisme, les actions et les discours qui ciblent les chrétiens (...) sont des manifestations d’un manque de respect total», a-t-il assuré.
Si «la limitation de tout type de discours ou d’expression doit (...) rester une exception», le droit international stipule que les pays doivent «interdire tout appel à la haine nationale, raciale ou religieuse», a-t-il ajouté. Mais, a-t-il déclaré, «toute restriction nationale au droit primordial à la liberté d’opinion et d’expression doit être formulée de manière à ce que son seul objectif et résultat soit de protéger les individus, plutôt que de soustraire la doctrine religieuse à la critique».