C'est l'étude publiée début 2016 par un professeur à l'université de Vienne, Ednan Aslan, qui a jeté le trouble.
Vienne compterait, selon ce rapport, environ 150 jardins d'enfants privés musulmans prenant en charge quelque 10.000 petits de 2 à 6 ans, et au moins un quart de ces structures, affirme le directeur de l'Institut d'études islamiques, ont des liens avec la mouvance de l'islam politique porteuse d'une vision conservatrice, voire rigoriste, de la religion et d'une volonté "d'isoler les fidèles des influences extérieures".
Dans ces établissements, "les parents recherchent pour leurs enfants une ambiance musulmane, l'apprentissage de quelques sourates, mais inconsciemment les enfants vont être coupés d'une société multiculturelle", affirme à l'AFP le chercheur qui distingue même une poignée de structures aux tendances "salafistes".
Ednan Aslan a essuyé de nombreuses critiques sur sa méthodologie, le manque d'éléments de terrain. Dans un pays où l'extrême droite réalise des scores électoraux importants, les contempteurs de l'immigration se sont emparés du sujet.
A l'instar d'autres pays européens, la crise migratoire et les attentats jihadistes ont avivé en Autriche le débat sur la place de l'islam dans l'espace public.
Le pays de 8,7 millions d'habitants a reçu quelque 130.000 demandes d'asile depuis début 2015, devenant l'une des principales destinations d'accueil en Europe, rapporté à sa population.
Le magazine Biber, écrit par et pour les Autrichiens "issus de l'immigration", a tenté d'y voir plus clair en visitant quatorze établissements, sous prétexte d'y inscrire un enfant.
Les journalistes n'ont trouvé aucun "mini-camp pour enfants salafistes". Des petits jouent, apprennent, chantent et entendent quelques histoires sur le Prophète, mangent halal, célèbrent les fêtes musulmanes, décrivent-ils.
Mais ils reconnaissent avoir trouvé "problématique" un établissement sur trois, lorsqu'ils semblaient "isoler" les enfants de la société, que les employés paraissaient insuffisamment compétents ou le niveau d'allemand parlé pas assez satisfaisant.
Mise en cause pour le flou entourant ces structures, la mairie de Vienne, et le gouvernement, ont lancé une étude exhaustive attendue après l'été.
Car s'il existe 13 établissements de la communauté évangélique et 100 de la communauté catholique sur un total de 842 jardins d'enfants viennois, il n'y a pas d'inventaire précis pour les établissements de confession musulmane.
Particularité de la capitale: le nombre de jardins d'enfants privés, mais contrôlés par la ville, y est plus important que celui des établissements municipaux.
Une évolution consécutive à l'explosion, après 2009, de la demande de places lorsque l'Autriche a rendu obligatoire la scolarisation à partir de 5 ans (contre 6 auparavant), Vienne y ajoutant la gratuité totale pour les 2-6 ans.
Un "business" des jardins d'enfants aux qualités parfois douteuses s'est ainsi développé, selon de nombreux observateurs.
Vienne, capitale de 1,8 million d'habitants dont un sur deux est né à l'étranger ou a un parent né à l'étranger, s'est construite sur l'apport de populations étrangères "qui ont à chaque fois véhiculé leur lot de peurs" depuis les Tchèques au XIXe siècle jusqu'aux travailleurs turcs ou yougoslaves de l'après-guerre, note Thomas Schmidinger, chercheur en sciences politiques à l'université de Vienne et spécialiste de l'islam.
"Ces dernières années, ce débat sur l'intégration a pris une tournure confessionnelle", observe-t-il.
Les études suggèrent une dégradation de la perception des musulmans dans l'opinion publique autrichienne, qui inquiète les membres de cette communauté estimée à 700.000 personnes.
"Ce rapport sur les crèches alimente le populisme et entretient les musulmans dans une position de justification permanente", regrette Murat Gürol, membre du réseau associatif "Société civile musulmane".
Ce développeur informatique de 45 ans a scolarisé l'un de ses enfants dans un établissement musulman de la ville il y a quelques années, jugeant important que lui soient transmises "les valeurs de solidarité, d'humanité, de responsabilité".
Lui-même est passé par un jardin d'enfants évangélique et se demande "pourquoi ce qui est admis pour une religion ne le serait pas pour une autre".