Cette poussée de fièvre déclenchée mardi alarme la communauté internationale qui redoute un conflit ouvert entre les deux frères ennemis d'Asie du Sud autour de la région poudrière du Cachemire, pomme de discorde depuis des décennies.
Le Premier ministre pakistanais Imran Khan lui-même a fait part de son inquiétude quant à la suite des événements: "Pouvons-nous nous permettre le moindre mauvais calcul avec le genre d'armes que nous avons et que vous avez?", a-t-il interrogé en référence à l'arsenal nucléaire des deux pays.
"Si l'escalade commence ici, jusqu'où cela ira-t-il?", a-t-il lancé lors d'un bref discours télévisé mercredi, renouvelant son appel à New Delhi à "venir à la table des négociations".
Les événements se précipitent dans la région depuis que l'armée indienne a affirmé mardi avoir mené une "frappe préventive" contre un camp d'entraînement au Pakistan du groupe islamiste Jaish-e-Mohammed (JeM).
Ce groupe rebelle avait revendiqué un attentat suicide au Cachemire indien ayant tué au moins 40 paramilitaires indiens le 14 février. Un "très grand nombre" de combattants ont été tués lors de ce raid, selon New Delhi.
Islamabad avait aussitôt dénoncé une "agression intempestive" et promis d'y répondre "à l'heure et à l'endroit de son choix".
Les forces armées pakistanaises ont affirmé mercredi avoir abattu deux avions indiens dans l'espace aérien pakistanais et arrêté deux pilotes, dont l'un, blessé, a été conduit à l'hôpital.
L'un d'entre eux apparaît dans une vidéo publiée par les médias pakistanais et dont l'authenticité a été certifiée à l'AFP de source sécuritaire pakistanaise. L'armée n'a pas confirmé officiellement.
New Delhi a de son côté annoncé avoir abattu un avion pakistanais au Cachemire et "perdu un Mig-21". "Le pilote est disparu au combat. Le Pakistan clame qu'il le détient", a déclaré Raveesh Kumar, porte-parole du ministère des Affaires étrangères indien.
Plus tôt mercredi, la ministre indienne des Affaires étrangères, Sushma Swaraj, avait semblé plaider elle aussi l'apaisement, soulignant lors d'un déplacement en Chine que "l'Inde ne souhaite pas d'escalade" et "continuera à agir avec responsabilité et retenue".
L'opération de mardi n'était pas militaire car "elle ne visait pas d'installations" militaires pakistanaises, a ajouté Mme Swaraj.
Signe de la volatilité de la situation, le Pakistan a fermé son espace aérien "jusqu'à nouvel ordre", provoquant l'annulation ou des changements d'itinéraires pour de nombreux vols commerciaux.
En Inde, au moins neufs aéroports de la pointe nord du pays ont été brièvement fermés aux vols civils.
Contactés par l'AFP, des villageois résidant le long de la ligne de cessez-le-feu au Cachemire ont décrit d'intenses échanges d'artillerie entre armées indienne et pakistanaise dans plusieurs secteurs dans la nuit de mardi à mercredi. Les tirs d'obus de part et d'autre de la frontière de facto sont récurrents dans cette zone parmi les plus militarisées au monde.
"Nous avons passé la nuit dans l'horreur la plus totale. Les obus n'ont pas atterri dans le village mais des avions de chasse continuent de voler au-dessus de nous", a raconté Tariq, un habitant du village de Kamalkote, côté indien.
Washington a appelé l'Inde et le Pakistan à éviter toute "escalade". La Chine a demandé à nouveau de la "retenue", de même que le Kremlin.
L'Inde et le Pakistan se sont livré trois guerres par le passé, dont deux au sujet du Cachemire, une région himalayenne en majorité peuplée de musulmans partagée entre les deux pays et que tous deux revendiquent depuis la partition de l'empire colonial britannique en 1947.
New Delhi a expliqué son action de mardi par le fait que le groupe insurgé Jaish-e-Mohammed préparait de nouveaux attentats en Inde.
L'Inde affirme avoir frappé un camp d'entraînement de l'organisation islamiste situé à Balakot, ville du nord-est du Pakistan proche du Cachemire. Le Pakistan a fait seulement état d'une incursion d'avions indiens dans son espace aérien, sans dégâts, ni victimes.
Le Premier ministre Narendra Modi, qui cultive son image d'homme fort et briguera au printemps un second mandat, était sous pression de son opinion publique pour venger l'attentat contre les paramilitaires au Cachemire indien.