Surnommé “Belawar” ("le borgne" en arabe), Mokhtar Belmokhtar avait créé fin 2012 sa propre unité combattante, les "Signataires par le sang", pour s'affranchir de la tutelle d'Al-Qaïda au Maghreb islamique (Aqmi) avec laquelle il était entré en dissidence en octobre 2012.
Mi-mai dernier, il avait réaffirmé la loyauté de son groupe, Al-Mourabitoune, à Al-Qaïda et démenti l'allégeance à Daech, proclamée par un autre dirigeant, laissant présager une sérieuse discorde dans la hiérarchie du mouvement.
Selon des sources sécuritaires maliennes, ce chef jihadiste s'était retiré en Libye d'où il entendait contrôler tout le Sahel.
Né en juin 1972 à Ghardaïa, dans le sud algérien, Mokhtar Belmokhtar a combattu très jeune en Afghanistan en 1991, où il a perdu un oeil. A son retour en Algérie en 1993, au début de la guerre civile, il rejoint le Groupe armé islamique (GIA, démantelé en 2005), le plus sanguinaire des groupes armés algériens, et créé une unité basée principalement dans le Sahara.
En 1998, il intègre le Groupe salafiste pour la prédication et le combat (GSPC), une dissidence du GIA, et règne en maître sur les routes clandestines du grand sud saharien, menant à la fois des actes de terrorisme, de brigandage et de contrebande. Mokhtar Belmokhtar, surnommé aussi MBM ou encore "Mister Marlboro" en référence à ses activités de contrebande de cigarettes, établit des liens avec les tribus qui le préviennent des mouvements des forces de l'ordre, dans des régions où rien n'échappe aux hommes du désert.
En 2001, il rencontre, au Sahara, Amari Saïfi, alias Abderrezak El Para, alors numéro 2 du GSPC, en route pour acheter des armes au Mali. Une rivalité va les opposer pour le contrôle de ce que les jihadistes désignent comme la zone 9 (Sahara).
Auteur de l'enlèvement de 32 touristes européens en 2003 dans le Sahara algérien, El Para a été livré à l'Algérie par la Libye en 2004. A la suite de cette arrestation, MBM se replie dans le désert malien où il lie de solides alliances en épousant des femmes de plusieurs tribus touareg du Nord-Mali, qu'il transforme en sanctuaire.
Condamné à mort par la justice algérienne
En 2007, à la suite de dissensions au sein du GSPC, qui devient Aqmi, il est remplacé à la tête de la zone 9 par Abdelhamid Abou Zeïd, Mohamed Ghedir de son vrai nom. Au début de la rébellion touarègue dans le nord du Mali en mars 2012, Belmokhtar séjourne trois semaines en Libye pour acheter des armes. Entre avril et juin 2012, il est vu à au moins deux reprises à Gao et Tombouctou, aux côtés d'Iyad Ag Ghaly, chef touareg des islamistes d'Ansar Dine. Il dirige alors la katiba (unité combattante) des "Moulathamoune" (les "Enturbannés") dans le nord du Mali, occupé par plusieurs groupes islamistes.
En octobre 2012, le chef d'Aqmi le destitue après plusieurs mises en garde concernant son manque de respect de la hiérarchie.
En janvier 2013, il revendique l'attaque sanglante et la prise d'otages massive qui s'en sont suivies sur le complexe gazier d'In Amenas, dans le Sahara algérien, qui se sont soldées par la mort de 38 otages et de 29 ravisseurs. Il avait été donné pour mort, "tué" par l'armée tchadienne au Mali le 2 mars 2013, mais l'information avait ensuite été démentie. En mai 2013, il revendique également des attaques contre l'armée nigérienne à Agadez et le site français d'uranium d'Areva à Arlit qui font au total une vingtaine de morts.
Condamné à mort à deux reprises par la justice algérienne, il aurait commandité l'assassinat de quatre Français en Mauritanie en décembre 2007, et la prise en otages de deux Canadiens en 2008, trois Espagnols et deux Italiens en 2009.
Belmokhtar est recherché par plusieurs pays et sa tête a été mise à prix pour cinq millions de dollars par les Etats-Unis en juin 2013.
En août 2013, les "Signataires par le sang" avaient fusionné avec une partie du Mouvement pour l'unicité et le jihad en Afrique de l'Ouest (Mujao), un des groupes qui avaient occupé le nord du Mali en 2012, sous le nom de "Al-Mourabitoune". En novembre 2013, son bras droit, Hacène Ould Khalill, un Mauritanien connu sous le nom de Jouleibib, aurait été tué par l'armée française.
En janvier dernier, le général américain David Rodriguez, patron de l'Africa Command, estimait que Belmokhtar avait les moyens de perpétrer "à nouveau une attaque" du type de celle conduite à In Amenas.
Selon des experts, les hommes du groupe de Belmokhtar se comptent en dizaines plutôt qu'en centaines, avec une forte proportion de Maliens et de Mauritaniens.