Si 11 candidats s'alignent au départ, c'est la lutte entre l'ancien président de gauche Luiz Inacio Lula da Silva (47% des intentions de vote selon le dernier sondage Datafolha) et le président d'extrême droite Jair Bolsonaro (33%) qui accapare l'attention.
«Nous devons parler aux indécis et à ceux qui envisagent de ne pas aller voter», a déclaré Lula lors d'un meeting dimanche devant des milliers de soutiens à l'école de samba Portela, à Rio.
C'est avec constance que les enquêtes d'opinion accordent depuis des mois un troisième mandat pour diriger la première puissance d'Amérique latine à Lula, président de 2003 à 2010 et chef de file du Parti des Travailleurs (PT, gauche).
«Le gouvernement de Lula a été très bon: mes enfants ont pu avoir leur diplôme à l'université, j'ai pu moi-même acheter une voiture. Je veux son retour car je voudrais que tout redevienne comme avant», dit à l'AFP Sandra Chaves, une femme de couleur de 60 ans venue dimanche entendre Lula à l'école de samba Portela.
Ralliements à LulaL'ancien métallo avait quitté le pouvoir sur des taux d'approbation stratosphériques (87%), avant de connaître la disgrâce de la prison pour corruption (2018-2019) et d'être empêché de se représenter. Son élection, à 76 ans, marquerait un come-back remarquable.
Il bénéficie d'une dynamique. «Les sondages disent qu'il y a une réelle possibilité que Lula gagne dès le premier tour» du 2 octobre, note Fernanda Magnotta, analyste à la fondation FAAP, à Sao Paulo.
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Lula pourrait bénéficier du «vote utile» si «les électeurs de candidats moins compétitifs tel Ciro Gomes migrent vers lui», explique-t-elle, au sujet du candidat de centre gauche, 3ème dans les sondages (7%) devant Simone Tebet (centre droit, 5%).
Le «vote utile», qui fait beaucoup parler de lui, est devenu le thème dominant de la campagne de Lula.
Ces derniers jours, Lula a surfé sur une vague de soutiens: l'ex-président Fernando Henrique Cardoso (1995-2003) a demandé aux Brésiliens de voter «pour la démocratie», son ex-ministre de l'Environnement Marina Silva s'est ralliée à lui après une longue brouille.
Des hommes politiques et des intellectuels de gauche d'Amérique latine ont demandé à Ciro Gomes de se retirer pour faciliter la victoire de Lula.
Mais vendredi, Jair Bolsonaro, 67 ans, du Parti libéral (PL), assurait lors d'un meeting dans le Minas Gerais (sud-est): «nous allons vaincre au 1er tour».
«Fraude électorale»«Si Dieu le veut, nous gagnerons dès le premier tour», a-t-il répété dimanche en direct sur les réseaux sociaux. «L'autre camp ne réunit pas le peuple dans la rue, comment gagnerait-il dès le premier tour? Ca me paraît difficile... non: impossible. Point final», a ajouté le président sortant.
Sur Telegram, les réseaux bolsonaristes mènent campagne pour expliquer que si leur champion n'est pas élu dès le 2 octobre, c'est que l'élection aura été frauduleuse.
La crainte d'un remake brésilien de l'assaut du Capitole est dans tous les esprits.
«Ça peut être dangereux», dit Fernanda Magnotta, «Bolsonaro va très probablement invoquer la fraude électorale, comme Donald Trump, cela va galvaniser ses soutiens».
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Car l'ex-capitaine de l'Armée peut compter sur des bataillons de partisans prêts à tout. Lui-même a plusieurs fois attaqué violemment les institutions de la jeune démocratie brésilienne, telle la Cour suprême, et mené une virulente campagne contre les urnes électroniques, qui favoriseraient selon lui «la fraude».
Mais baissant soudainement le ton, ce président imprévisible a aussi déclaré que s'il perdait, il se retirerait de la politique.
Impossible donc de prévoir la suite des événements au soir du premier tour.
«Voleur», «incompétent»La campagne de Bolsonaro et Lula a été plus marquée par des attaques personnelles -«voleur», «incompétent»- que par la présentation de programmes.
Le quotidien O Globo appelait samedi Lula à proposer «un projet économique cohérent», car «s'il gagne, personne ne sait comment il va gouverner».
Les candidats ont sillonné le gigantesque Brésil et tenu d'innombrables meetings en gilet pare-balles.
Le thème de l'environnement et du climat, dans ce pays abritant l'Amazonie, est passé à la trappe, contrairement à la faim, l'inflation ou la corruption, préoccupations de la majorité des 214 millions de Brésiliens.
Pour ratisser large, Lula a tenté de séduire les évangéliques qui constituent le socle de l'électorat de Jair Bolsonaro avec l'agronégoce et les pro-armes.
Il s'est aussi choisi pour colistier le très modéré ex-gouverneur de Sao Paulo Geraldo Alckmin, du centre droit, afin de rassurer les marchés qui voient avec appréhension son élection.
Jair Bolsonaro tente de son côté de séduire sans succès un électorat féminin qui majoritairement le fuit pour ses propos sexistes et a labouré le Nordeste, fief de Lula, sans beaucoup d'effet non plus, selon les sondages.
Les fausses informations déferlent comme jamais sur les réseaux sociaux. Elles sont aussi abondamment relayées par les présidentiables eux-mêmes, à la télévision, et jusqu'à la tribune de l'ONU mardi dernier par Jair Bolsonaro.
La semaine qui s'ouvre va voir les ennemis jurés jeter leurs dernières forces dans la bataille, avec de gros meetings et, jeudi, un débat télévisé très attendu, où, contrairement à samedi, Lula devrait être présent.