Les putschistes ont décrété un couvre-feu nocturne de 19H00 à 06H00 et ordonné la fermeture des frontières terrestres et aériennes jusqu'à nouvel ordre. Ce coup d'Etat militaire intervient à moins d'un mois d'élections présidentielle et législatives dont le premier tour était prévu le 11 octobre et qui devaient clore la transition ouverte après la chute de Blaise Compaoré.
En octobre 2014, les Burkinabés étaient descendus dans la rue par centaines de milliers pour chasser du pouvoir l'ancien président, après 27 ans à la tête du pays. Moins d'un an plus tard, ils ont assisté impuissants à la proclamation, à la télévision nationale, d'un coup d'Etat perpétré par des soldats du Régiment de sécurité présidentielle (RSP), corps d'élite de l'armée et garde prétorienne de l'ancien président.
Ceux-ci avaient fait irruption mercredi en plein Conseil des ministres, prenant en otages le président intérimaire Michel Kafando, le Premier ministre et numéro 2 du régiment Isaac Zida et de nombreux membres du gouvernement, qu'ils retiennent toujours.
Jeudi matin, un de leurs représentants a annoncé à la télévision nationale qu'un "Conseil national pour la Démocratie" (CND) a mis "fin au régime déviant de la transition (...). Le président de la Transition, Michel Kafando, est démis de ses fonctions. Le gouvernement de transition et le Conseil national de la Transition (l'assemblée intérimaire) sont dissous".
"Une large concertation est engagée pour former un gouvernement qui se dévouera à la remise en ordre politique du pays et à la restauration de la cohésion nationale pour aboutir à des élections inclusives et apaisées", a-t-il poursuivi. Dans la foulée, le CND a annoncé qu'il portait à sa tête le général de brigade Gilbert Diendéré, ancien chef d'état-major particulier de Blaise Compaoré.
Fidèle parmi les fidèles, le général Diendéré avait été impliqué dans le coup d'Etat qui porta au pouvoir Blaise Compaoré en octobre 1987, au cours duquel avait été assassiné le capitaine Thomas Sankara, "père de la révolution" burkinabè.
Ouagadougou quadrillée
Pour justifier son coup d'Etat, le CND a notamment dénoncé la loi interdisant aux partisans de l'ancien président de concourir à la prochaine présidentielle. Ce nouveau code électoral très controversé, qui avait été invalidé par une cour de justice ouest-africaine, rendait "inéligibles" tous ceux qui avaient soutenu un "changement inconstitutionnel", soit la tentative de M. Compaoré de modifier la Constitution pour supprimer la limitation des mandats présidentiels.
Sans attendre la nomination du général Diendéré, de nombreux Burkinabés se demandaient, sur les réseaux sociaux, si Blaise Compaoré, actuellement exilé en Côte d'Ivoire voisine, n'était pas à la manoeuvre. Une suspicion alimentée par les déclarations mercredi du vice-président du directoire du CDP, le parti de l'ex-président: "quand on se comporte de cette manière-là, ces choses arrivent", avait-il déclaré, refusant de "condamner" le coup de force en cours et jugeant que les futures élections ne seraient "pas démocratiques".
Le président de l'assemblée intérimaire (CNT), Cheriff Sy, a appelé jeudi sur RFI "le peuple à se mobiliser immédiatement contre cette forfaiture", dénonçant un "coup d'Etat". Sur les réseaux sociaux, le mouvement "Balai citoyen", qui avait été en pointe dans la contestation contre l'ex-président Compaoré, appelait lui aussi à la mobilisation. Mais jeudi matin, des tirs de sommation sporadiques résonnaient dans Ouagadougou, quadrillée par des soldats du RSP. Ces derniers ont installé des barrages tout autour de Ouaga2000, quartier du Palais présidentiel.
Les rues de la capitale étaient quasi-désertes, les magasins et administrations fermés tandis que le grand marché était vide.
De même, la place de la Révolution, qui avait concentré la plupart des manifestations lors des événements d’octobre 2014 était déserte, à l’exception notable d’une dizaine militaires du RSP à bord d'un pick-up.
Le coup d'Etat a suscité des condamnations unanimes de la communauté internationale: le Conseil de sécurité de l'ONU, l'Union africaine (UA), l'Union européenne (UE), la Communauté économique des Etats d'Afrique de l'Ouest ont réclamé à l'unisson la libération du président Kafando et de son gouvernement.
Le président français François Hollande a de son côté condamné un "coup d'Etat" et appelé à la "remise en place" des institutions, tout en assurant que les militaires français sur place n'interviendraient pas. La France dispose de 220 soldats des forces spéciales françaises à Ouagadougou, dans le cadre de son opération antijihadistes Barkhane.
Le RSP, qui compte 1.300 hommes, avait déjà à plusieurs reprises perturbé la transition et le coup d'Etat intervient deux jours après que la Commission nationale de réconciliation et des réformes ait recommandé la dissolution de cette unité pour la fondre dans les effectifs du reste de l'armée, restée très discrète depuis mercredi.