Cancer du sein: des traceurs dans l’organisme pour mieux repérer et traiter

Colette Taranger (D), chef du service d'anatomopathologie, entourée de la radiologue Florence Rodriguez-Boccara (C) et du gynécologue obstétricien (G), observe un prélevement de tissu humain pour faire un diagnostic rapide de cancer du sein, le 11 février 2013 à L'hôpital nord de Marseille où un protocole de diagnostic des cancers du sein en quelques heures a été mis en place par les trois medecins

Colette Taranger (D), chef du service d'anatomopathologie, entourée de la radiologue Florence Rodriguez-Boccara (C) et du gynécologue obstétricien (G), observe un prélevement de tissu humain pour faire un diagnostic rapide de cancer du sein, le 11 février 2013 à l'hôpital nord de Marseille.

C’est nucléaire mais c’est de la médecine: les progrès de l’imagerie, déjà cruciaux pour détecter et traiter les cancers du sein, s’étendent désormais à des «traceurs» de tumeurs et de métastases dans l’organisme.

Le 02/10/2024 à 08h08

Le principe: des molécules faiblement radioactives, appelées radiotraceurs, sont injectées en intraveineuse et, une fois dans le sang, se diffusent dans tout le corps des patientes.

«Une partie de la molécule émet des radiations, ce qui permet d’avoir des images; une autre se fixe sur un récepteur», a résumé Romain-David Seban, médecin nucléaire et chercheur à l’Institut Curie, lors d’une conférence de presse en amont d’Octobre rose.

Derrière un «concept faisant parfois un peu peur car il y a le mot +nucléaire+» se cache une technique pour mieux soigner, a exposé cet expert avant la campagne de sensibilisation annuelle au cancer du sein.

Avec plus de 61.000 nouveaux cas chaque année en France, le cancer du sein reste le plus fréquent chez les femmes, et le plus meurtrier, avec environ 12.000 décès par an.

Selon leur stade d’évolution, leur localisation dans l’organe, les cellules à partir desquelles ils se sont propagés ou encore la présence de récepteurs hormonaux, les cancers du sein diffèrent. Les ripostes thérapeutiques aussi.

Pour affiner le diagnostic, détecter d’éventuelles métastases ou mesurer voire prédire la réponse aux traitements, il faut un maximum d’informations, et la médecine nucléaire peut jouer un rôle.

Cette imagerie déjà employée n’est pas invasive, car elle ne nécessite pas de biopsie, et donne des informations sur tout l’organisme, là où une biopsie est très ciblée, vantent ses spécialistes.

Le Dr Seban a cité l’exemple d’une patiente «avec un cancer du sein triple négatif, venue faire un bilan d’extension pour voir si sa maladie était circonscrite ou pas». «Comme il n’y avait pas de métastases, elle était éligible au traitement avec de la chirurgie, de la chimiothérapie et de la radiothérapie, plus de l’immunothérapie comme sa tumeur était relativement agressive», a-t-il expliqué.

Les progrès technologiques réduisent le délai pour obtenir des images après l’injection d’un radiotraceur, gage d’une attente et d’une fatigue moindres pour les patientes, observent les spécialistes.

Pour le moment, les médecins nucléaires utilisent surtout une machine appelée TEP-scanner, avec un radiotraceur ciblant les cellules du corps les plus consommatrices de sucre - dont font partie les cellules cancéreuses.

«Révolution»

Mais il y a parfois des faux positifs, ou, au contraire, certaines métastases non visualisées.

D’autres pistes sont donc à l’essai pour le futur, dans l’espoir de meilleurs diagnostics, voire de prédictions sur les réactions aux traitements.

L’Institut Curie mise notamment sur un traceur se fixant à des cellules particulières du micro-environnement de la tumeur, les fibroblastes.

A l’étude dans des essais cliniques pour les cancers du sein triple négatif, les plus agressifs, un radiotraceur nouvelle génération (le «FAPI») pourrait mieux repérer les métastases, évaluer l’efficacité d’un traitement ou détecter précocement une rechute, selon ses spécialistes.

Des chercheurs expérimentent aussi un traceur ciblant les récepteurs aux hormones, particulièrement à l’estradiol, pour savoir s’ils sont présents dans le sein de certaines patientes car ils conditionnent l’efficacité de l’hormonothérapie.

«De plus en plus d’essais cherchent, en combinant imagerie et médecine nucléaire, à voir quelles patientes vont très bien répondre au traitement ou pour lesquelles on pourrait réduire demain la chimiothérapie et/ou l’immunothérapie, voire qu’on pourrait ne plus opérer. C’est une révolution», a affirmé Anne Vincent-Salomon, directrice de l’Institut des Cancers des Femmes, co-créé par Curie, Paris Sciences et Lettres (PSL) et l’Inserm.

A l’avenir, une arme employée contre d’autres cancers (thyroïde, tumeurs neuro-endocrines ou prostate) pourrait aussi s’utiliser contre celui du sein.

Le mécanisme évoque la balistique: un radiotraceur spécifique du micro-environnement de la tumeur est couplé à des molécules capables de détruire ces cellules malades. Cette «radiothérapie interne vectorisée» est à l’étude pour le cancer du sein.

«L’image révolutionne la prise en charge en cancérologie. Loin d’une photographie qui décrit, on est dans l’image qui traite, voire qui prédit», a souligné Steven Le Gouill, directeur de l’ensemble hospitalier de Curie.

Outre sa finesse d’analyse croissante, elle apporte des réponses plus rapides aux soignants -des capacités que l’intelligence artificielle devrait démultiplier.

Par Le360 (avec AFP)
Le 02/10/2024 à 08h08