L'ancien patron tout-puissant de l'alliance Renault-Nissan, dont il a été l'artisan à partir de 1999, a été interpellé le 19 novembre 2018 alors qu'il atterrissait à Tokyo.
Libéré sous caution après 130 jours en détention, il fait l'objet de quatre inculpations: deux pour non déclaration aux autorités boursières de rémunérations différées, et deux autres pour abus de confiance aggravé. Il encourt jusqu'à 15 ans de prison.
Le patron déchu, assigné à résidence à Tokyo dans l'attente de son procès, nie tout en bloc.
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Sur le fond de l'affaire, il argue à propos de sa rétribution que Nissan ne lui avait nullement promis contractuellement un montant déterminé de rémunération post-retraite.
"L'obligation de déclarer des revenus différés est légalement discutable et en tout état de cause cela n'aurait pas dû entraîner une arrestation", juge Nobuo Gohara, un avocat japonais non impliqué dans le dossier mais qui l'analyse depuis le début, et dont le raisonnement est proche de celui des principaux défenseurs de Carlos Ghosn.
"Si l'on se place du point de vue des actionnaires de Nissan, le fait de ne pas retranscrire les montants exacts de rémunération des dirigeants, même différés, fausse leur vision de l'entreprise et leurs décisions d'investissement. Si le montant était décidé, cela devait figurer, c'est le point clef", estime au contraire l'avocat Yasuyuki Takai, ancien inspecteur de l'unité spéciale d'enquête du bureau des procureurs de Tokyo.
Concernant l'abus de confiance, Carlos Ghosn assure que les fonds versés par Nissan à des distributeurs automobiles d'Oman et d'Arabie saoudite l'ont été avec le consentement d'autres dirigeants du groupe et pour des prestations effectivement réalisées au bénéfice de Nissan.
Il jure qu'il ne s'agissait pas de récompenser des amis ni d'obtenir de leur part des rétro-commissions déguisées, comme l'affirment les enquêteurs.
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"La question est: est-ce que les paiements effectués sont ou non légitimes? Si l'entreprise a jugé qu'ils l'étaient, il n'y a pas délit", pense Nobuo Gohara.
"Mais si, comme le disent les procureurs, il existe des preuves montrant une entente préalable entre Ghosn et ces distributeurs, c'en est un", rétorque Takai.
Reste que Carlos Ghosn et ses avocats sont persuadés que les poursuites à l'encontre de leur client reposent "sur une collusion entre Nissan et les procureurs", avec la bénédiction du gouvernement japonais, dans le but de tuer dans l'oeuf un projet de fusion de Renault et Nissan.
"Le cas Ghosn fut un énorme choc mondial qui révèle de très gros problèmes dans le fonctionnement de la justice japonaise", abonde le juge Gohara.
"Cette affaire n'aurait jamais dû exister. On ne peut que penser que le but ultime était d'arrêter Carlos Ghosn", tranche-t-il.
La requête en nullité déposée le 24 octobre auprès du tribunal permet à la défense de dénoncer des actes de procédure qu'elle considère comme illégaux: saisie des téléphones de la femme de Carlos Ghosn, perquisitions effectuées par des avocats de Nissan dans des résidences privées, etc.
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Mais les chances de succès de cette méthode sont infimes: "il n'y a pas de précédents et les tribunaux japonais sont très réticents à accepter ce type d'arguments", reconnaît auprès de l'AFP Takashi Takano, un des avocats japonais de l'ex homme fort de Renault-Nissan.
"Le véritable but des avocats est d'obtenir l'acquittement. Cette demande de nullité n'a aucune chance d'aboutir. Cela ne sert qu'à apaiser l'accusé et à dire publiquement que, selon eux, les procureurs et Nissan ont fait des choses horribles", estime Maître Takai.
Reste qu'au-delà de la théorie du "coup d'Etat" destiné à le chasser de Nissan, la défense de Ghosn n'a jusqu'à présent pas dégainé de contre-arguments très étayés censés démonter l'accusation ou prouver son innocence.
En attendant, ses avocats réitèrent aussi leurs requêtes pour qu'il puisse voir son épouse Carole, avec qui il n'a pas le droit d'entrer en contact depuis avril. En vain jusqu'à présent.
"J'espère" que les juges vont changer d'avis avant les fêtes de fin d'année, souffle maître Takano.