La réponse à ces questions va dépendre du niveau de résistance des dirigeants séparatistes et de leurs partisans parmi les Catalans. Mais aussi d'intérêts partisans, aiguisés par la convocation d'élections régionales par le chef du gouvernement conservateur Mariano Rajoy, le 21 décembre.
Le président séparatiste catalan destitué par Madrid, Carles Puigdemont, et son numéro deux, Oriol Junqueras, ne semblent pas vouloir accepter leur destitution.
Ils l'ont signifié l'un et l'autre au cours du week-end, mais sans livrer de consignes précises à leurs partisans.
Pendant ce temps, rien ne semble avoir changé... ou presque: le drapeau espagnol flotte toujours sur les bâtiments de l'Etat et le site internet de l'exécutif catalan affiche encore les photos des "conseillers" (ministres) destitués.
Les membres du gouvernement catalan travailleront-ils lundi, sans tenir compte de leur destitution? Ils donneront en quelque sorte le "la", car s'ils résistent d'une manière ou d'une autre, ils encourageront les leurs à les suivre.
"La réalité, explique à l'AFP un responsable du mouvement indépendantiste, c'est que nous ne savons pas ce que le gouvernement (destitué) veut faire".
Comment donner des ordres à des fonctionnaires qui risqueront des sanctions allant jusqu'à l'expulsion s'ils obéissent? Et avec quels fonds, alors que désormais les finances sont prises en main directement par Madrid?
"C'est un retour à la réalité, le gouvernement de la République n'a pas la capacité de s'imposer", déclare la même source indépendantiste.
Les membres du gouvernement destitué risquent aussi des poursuites pour "désobéissance" et "malversation de fonds" publics, voire pour "sédition" ou "rébellion".
Les associations indépendantistes, qui peuvent mobiliser des centaines de milliers de personnes, sont très discrètes depuis plusieurs jours, tout comme les "Comités de défense de la République", ces associations issues des quartiers -souvent animées par des militants du parti d'extrême gauche indépendantiste CUP- qui avaient organisé la défense des bureaux de vote lors du référendum d'autodétermination interdit du 1er octobre."Maintenant, il faudra lutter (...), mais de manière plus symbolique, pour démontrer que l'Etat espagnol est fragile sur ce territoire et qu'il ne peut pas s'imposer à 100%", confie le responsable indépendantiste interrogé par l'AFP.
"S'il y a résistance, elle sera passive et low cost", estime à Madrid le politologue Pablo Simon, en considérant que les quelque 200.000 fonctionnaires catalans ne prendront pas le risque d'essuyer des sanctions. "Il se peut qu'ils traînent des pieds dans l'exécution de leur tâche, mais finalement cela a peu d'importance car nous sommes face à un gouvernement d'intérim, de gestion des affaires courantes avant les élections" du 21 décembre, déclare-t-il.
Pablo Simon note que le commandement de la police autonome catalane, enjeu stratégique, a accepté jusqu'à présent les ordres du ministère de l'Intérieur.
"Il faudra attendre les prochains jours pour voir si l'Etat qui vient de naître a suffisamment de force pour s'imposer", a déclaré à l'AFP Jaume Alonso-Cuevillas l'avocat de Carles Puigdemont, sans crier victoire.
Même ses adversaires le concèdent: le fait de convoquer des élections très rapidement a été "intelligent" de la part de Mariano Rajoy. Ce fut "une manoeuvre futée", note le quotidien catalan El Periodico.
Pour éviter de s'embourber dans le "Vietnam" que lui promettaient les indépendantistes radicaux, il joue la carte de la démocratie, alors que la mise sous tutelle de la Catalogne était perçue comme un rappel de la dictature de Francisco Franco (1939-1975).
Il impose son timing aux différents partis indépendantistes -allant de la droite à l'extrême gauche- qui en coulisses se déchirent depuis plusieurs mois. Les plus modérés, proches des milieux économiques, se montrent très réservés face au mouvement de panique des entrepreneurs entraîné par l'approche d'une sécession.
Ils seront face à un choix cornélien: continuer la fuite en avant en refusant de participer au scrutin du 21 décembre, ou prendre part aux élections et accepter de jouer le jeu d'un vote... organisé par l'État.
Tout porte à croire qu'au moins deux des trois partis indépendantistes catalans -la gauche républicaine du vice-président destitué Oriol Junqueras et le parti conservateur PDeCAT de M. Puigdemont- se présenteront, selon Narciso Michavila, sociologue et spécialiste de l'analyse électorale, qui estime qu'ils ne prendront pas le risque de se marginaliser "en perdant leur influence" dans les institutions catalanes.