Au premier jour officiel de la visite à Paris du prince héritier Mohammed ben Salmane, Saoudiens et Français ont multiplié les annonces culturelles, remettant à la fin de l'année les sujets économiques et les signatures de contrats qui attendront la visite du président Emmanuel Macron en Arabie saoudite. Au-delà de ses sphères d'influence traditionnelles -Afrique, Levant-, la France veut s'investir culturellement dans des pays avec lesquels elle n'avait, jusqu'ici, que peu de rapports culturels: les Emirats arabes unis où elle a inauguré, fin 2017, le Louvre d'Abu Dhabi et, aujourd'hui, le royaume saoudien.
Lundi "a été signé un accord avec l'Opéra de Paris pour aider l'Arabie saoudite dans l'élaboration d'un orchestre national et d'un opéra", a ainsi annoncé la ministre française de la Culture, Françoise Nyssen, aux côtés de son homologue saoudien Awwad al-Awwad. La prestigieuse institution assurera "une mission d'audit des installations musicales", souligne un communiqué du ministère.
En février, l'Arabie saoudite, pays régi par une version rigoriste de l'islam, a annoncé des investissements de milliards de dollars dans des projets de construction de cinémas et d'un opéra. Celui-ci sera construit à Jeddah, grande ville de l'ouest saoudien située en bordure de la mer Rouge. Ryad, acteur majeur au Proche-Orient, veut resserrer les liens avec Paris après des tensions liées aux crises dans cette région où le royaume est un acteur majeur, et tente de persuader les pays occidentaux d'accompagner la modernisation du pays. "C'est par la culture que les peuples peuvent se comprendre", a affirmé Mme Nyssen.
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En plus de la musique, un accord a été signé avec la Femis, la grande école française du cinéma, pour la formation de jeunes professionnels saoudiens du 7e Art, et avec l'Institut national de l'audiovisuel (Ina) pour la numérisation des archives saoudiennes. En matière culturelle, la coopération pourrait encore s'élargir, a expliqué Mme Nyssen, soulignant l'importance de la formation des jeunes "dans un pays où 75% de la population a moins de 30 ans". Son homologue saoudien s'est dit "très heureux" de ces accords et de cette coopération avec "la France, capitale de la culture et des arts". "Ces accords sont au coeur de la vision 2030 de l'Arabie saoudite (...) pour que la culture devienne un secteur économique à part", a affirmé M. Awwad en référence au programme de "MBS" visant à diversifier l'économie du royaume.
Autre annonce, plus symbolique: la première participation de l'Arabie saoudite au Festival de Cannes, avec notamment une sélection de neufs courts-métrages et l'organisation de rencontres professionnelles dans le cadre de la 71e édition (8-19 mai). Cette participation permettra au royaume de "nourrir ses talents dans l'industrie du cinéma et de partager des histoires saoudiennes avec le monde", s'est félicité Thierry Frémaux, délégué général du Festival de Cannes, cité dans un communiqué de l'Autorité générale de la Culture saoudienne. Les autorités saoudiennes ont annoncé, début mars, être prêtes à délivrer des autorisations d'ouverture de salles de cinéma, trois mois après l'annonce de la levée de l'interdiction frappant ce secteur depuis 35 ans.
Un volet archéologique est également au menu de la visite du jeune prince héritier saoudien, qui a dîné dimanche soir avec Macron, au Louvre: les deux pays doivent signer, mardi, un accord pour le développement de la région d'Al-Ula (nord-ouest), particulièrement riche en vestiges archéologiques et paysages d'exception et très semblable à la célèbre Pétra en Jordanie. Cet accord, d'une durée de dix ans, prévoit la création d'une agence dédiée sur le modèle de l'agence France Museum, qui a piloté la mise sur pied du Louvre Abu Dhabi. Les premiers touristes pourraient être accueillis dans la région "d'ici à 3 à 5 ans".