"J'ai reçu une délégation pour leur demander de cesser ces mouvements et cette démonstration qui donne une image désastreuse de la Corse", a déclaré M. Mirmand au cours d'un point presse à l'issue d'une rencontre avec des manifestants. Il a ensuite précisé sur BFMTV qu'il allait également prendre un arrêté préfectoral pour interdire les manifestations "dans le périmètre des Jardins de l'Empereur afin d'y rétablir la sérénité qui a manqué ces derniers temps".
De leur côté, les membres de la délégation se sont dits satisfaits des engagements du représentant de l'Etat, qui a déclaré que "des policiers seraient présents dans tous les quartiers", ont-ils dit. "Nous on a fait ce que l'on avait à faire dans les quartiers. Maintenant on a donné le bébé au préfet", a ainsi déclaré Antoine, l'un des représentants des manifestants.
Vendredi et samedi, des manifestants avaient défilé dans le quartier des Jardins de l'Empereur, scandant "On est chez nous", "Arabes dehors", après l'agression dans ce quartier de deux pompiers et un policier durant la nuit de Noël.
Un dispositif conséquent de gendarmes mobiles et CRS veillait samedi à empêcher tout débordement dans cette partie de la ville où les manifestants sont arrivés en milieu d'après-midi, avant de se diriger vers les quartiers voisins de Saint-Jean et Sainte-Lucie.
Vendredi, dans les Jardins de l'Empereur, une salle de prière musulmane avait été saccagée, en marge d'une première manifestation. Ces actes ont été unanimement condamnés: le Premier ministre Manuel Valls qui a dénoncé une "agression intolérable de pompiers" et une "profanation inacceptable d'un lieu de prière musulman", tandis que Bernard Cazeneuve (Intérieur) évoquait "(des) exactions intolérables, aux relents de racisme et de xénophobie, (qui) ne sauraient rester impunies" et que la garde des Sceaux, Christiane Taubira, twittait "la lumière sera faite, les auteurs en répondront".
"A Ajaccio, pompiers agressés, lieu de culte saccagé, plus qu'un appel au respect de la loi, on attend de l'État autorité et fermeté", a twitté Alain Juppé (Les Républicains). Le Front national a estimé que "quand les citoyens ont le sentiment légitime que l'Etat ne fait plus régner l'ordre républicain, quand ils voient des pompiers et des policiers pris en embuscade dans un des innombrables ghettos que compte la France, il y a le risque évident qu'ils veuillent se faire justice eux-mêmes (...)".
Le porte-voix du Parti de gauche, Jean-Luc Mélenchon, a déclaré que ces actes de violences étaient le résultat d'un "nationalisme exacerbé et (de) la culture de la violence" dans l'île, condamnant en particulier " (l')ivresse ethniciste" des dirigeants nationalistes qui viennent de prendre les rênes de la collectivité territoriale de Corse.
LE PCF a condamné dans un communiqué les agressions comme le saccage du lieu de culte. "A la suite de ces événements et alors que partout en France l'état d'urgence est en vigueur, il est incompréhensible que des personnes manifestent à Ajaccio en proférant des propos racistes et xénophobes alors que, lors de la COP 21, des militants écologistes ont été arrêtés et pour certains d'entre eux assignés à résidence, pour des raisons prétendues attentatoires à l'ordre public", déplore le Parti communiste.
"Dérapages racistes"
L'Observatoire national contre l'islamophobie du Conseil français du culte musulman (CFCM) a dénoncé une agression "qui se déroule en un jour de prière pour les musulmans et pour les chrétiens", Noël tombant cette année juste après le Mouled, la fête musulmane qui commémore la naissance du prophète Mahomet. Dalil Boubakeur, le recteur de la Grande mosquée de Paris, a lancé un appel au "calme, au sang-froid et à l'apaisement".
Les dirigeants nationalistes ont aussi fermement dénoncé ces violences: le président du conseil exécutif, Gilles Simeoni, a condamné une "agression initiale scandaleuse" affirmant "(qu')il est impensable d'imaginer qu'il existe des zones de non-droit dans l'île". M. Simeoni a stigmatisé les "dérapages racistes. Ces agissements sont contraires aux valeurs du peuple corse". Le président de l'Assemblée de Corse, Jean-Guy Talamoni, a également fustigé sur Twitter "l'importation d'idéologies complètement étrangères à la tradition politique corse".
Les incidents avaient commencé dans la nuit de jeudi à vendredi, lorsqu'un incendie avait été "volontairement allumé" dans les Jardins de l?Empereur, "pour attirer les forces de l'ordre et les pompiers dans un guet-apens", a indiqué la préfecture.
Selon le témoignage de l'un des deux pompiers blessés dans cette agression, ils ont d'abord rencontré cinquante à soixante individus qui se trouvaient autour d'un feu et leur ont lancé des projectiles. Puis, alors qu'ils rebroussaient chemin, les pompiers ont a nouveau été pris à partie par un petit groupe "dans un véritable guet-apens par une vingtaine de personnes armées de barres de fer, de battes de baseball, cagoulées", a relaté le pompier sur iTELE.
"C'est un tout petit groupe de jeunes", a nuancé Mehdi, un habitant des Jardins de l'Empereur, âgé de 35 ans, interrogé par l'AFP: "les parents abandonnent, le problème c'est l'éducation", a-t-il estimé : "mais nous, nous voulons tous vivre ensemble, sans problème".