Au bout d'une heure d'attente sans l'ombre d'un visiteur, quatre employés en combinaison de protection déplacent le corps enveloppé dans un sac en plastique blanc vers un des trois fours de crémation.
Dans un silence assourdissant, l'homme qui travaillait pour une agence de tourisme de Dubaï est réduit en cendres avant d'être placé dans une boîte argentée. Aux Emirats arabes unis, fédération dont Dubaï est l'un des sept membres, hôpitaux, banques, chantiers de construction et usines tournent grâce aux millions de travailleurs étrangers venus, pour la plupart, d'Asie ou du Moyen-Orient.
Comme ailleurs dans les Etats riches du Golfe, beaucoup y sont employés depuis plusieurs décennies, ce qui leur permet de soutenir leur famille restée au pays, avec l'espoir de les rejoindre un jour pour ouvrir un commerce ou construire une maison. La majorité des 166 décès dus au nouveau coronavirus dans ces pays du Golfe, qui ont officiellement enregistré 26.600 cas, sont des immigrés originaires d'Inde, du Pakistan, du Bangladesh, des Philippines et du Népal.
Avec la suspension des vols, l'une des mesures de précaution prises pour lutter contre la pandémie de Covid-19, les dépouilles ne peuvent pas être rapatriées. Elles sont incinérées ou enterrées au plus vite sur place. "Le monde entier change. Plus personne ne vient, ni ne touche, ni ne dit au revoir" aux défunts, se désole M. Kumar. Avant la pandémie, "entre 200 et 250 personnes venaient ici pour faire le deuil et apporter des fleurs", se souvient-il.
Quelques heures avant la crémation du travailleur indien, le corps d'une esthéticienne philippine de 40 ans a lui aussi été incinéré. Sur les certificats de décès, une même cause inscrite: "pneumonie Covid-19". Les boîtes argentées, achetées dans un supermarché, sont remises à un proche, s'il en existe à Dubaï, ou à l'ambassade du pays de la personne décédée.
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"Ils sont venus pour travailler, donc la plupart d'entre eux n'ont pas de famille sur place. Parfois, des collègues se déplacent", souligne Suresh Galani, un autre responsable du crématorium. Tous ne sont pas morts du virus, certains ont été indirectement frappés par la pandémie. C'est le cas du frère de Vijay, Ram, mort d'une crise cardiaque à 45 ans, après une quarantaine imposée pour avoir été au contact d'une personne infectée.
"Ram a été testé négatif après être resté confiné pendant deux semaines. Il a souffert mentalement et est tombé en dépression du fait de la solitude", avance Vijay.
Employé dans une laverie, Ram, père de trois enfants, est mort dans l'ambulance qui le conduisait à l'hôpital. Au crématorium, quatre de ses collègues répandent des fleurs sur sa dépouille avant qu'elle soit incinérée. "Nous reviendrons demain pour récupérer les cendres. Nous les enverrons à la maison quand les vols reprendront", dit Vijay.
Certains travailleurs étrangers, frappés par la paralysie économique provoquée par la pandémie, ont pu rentrer via les rares avions de rapatriement mis en place par les autorités du Golfe.
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En Arabie saoudite, "jusqu'à présent, toutes les familles ont demandé d'enterrer les corps sur place", indique une source au sein du ministère de la Santé ayant requis l'anonymat. Parmi eux, Wazir Mohammed Saleh, un Afghan de 57 ans qui vivait et travaillait à Médine (ouest) depuis les années 1980 après avoir fui son pays. Gérant d'une boutique de fournitures de bureau, il est mort du coronavirus la semaine dernière.
Seuls ses quatre fils ont assisté à son enterrement dans la ville sainte qui abrite le tombeau du prophète Mahomet. Son neveu Amed Khan, un commercial né dans le royaume, a dû se contenter de voir les images des funérailles sur son smartphone. "Son rêve était d'être enterré à Médine et ce rêve s'est réalisé", confie-t-il à l'AFP. "Aucune personne qui meurt à Médine ne souhaiterait être enterrée ailleurs. Cette terre est connue pour faire partie du paradis".