Cette initiative de Daech témoigne de la difficulté à reprendre les territoires conquis par les jihadistes en Irak et en Syrie malgré le soutien réaffirmé ce mardi par les pays de la coalition internationale réunis à Paris. Il faudra "probablement une génération ou plus" pour vaincre la "menace mondiale" que représente Daech, a d'ailleurs affirmé mercredi le général John Allen, l'émissaire américain pour la coalition dirigée par les Etats-Unis. "Ce sera une longue campagne", a-t-il assuré lors d'un forum à Doha.
La priorité est actuellement donnée à la reprise de Ramadi, capitale de la vaste province d'Al-Anbar (ouest) dont la chute aux mains de Daech, le 17 mai, avait représenté un sérieux revers pour Bagdad et ses alliés. Dans les jours suivants, le Premier ministre irakien, Haider al-Abadi, avait assuré que la reconquête de Ramadi serait une question de jours. Mais, depuis, la contre-offensive avance lentement même si les forces gouvernementales, soutenues par des milices chiites et des tribus sunnites, ont repris une partie des environs de la ville.
“Fermer l'eau est le pire crime”Daech garde l'initiative, comme l'a prouvé sa décision de fermer les vannes d'un barrage situé à Ramadi qui régule le cours de l'Euphrate. La baisse du niveau du fleuve en aval provoque des coupures dans l'approvisionnement de Khaldiyah et Habbaniyah, deux zones encore sous contrôle gouvernemental à Al-Anbar, selon des responsables locaux.
"Daech mène désormais une sale guerre de l'eau", a dénoncé Sabah Karhout, le chef du conseil provincial d'Al-Anbar. "Il espère destabiliser Khaldiyah et Habbaniya (...) Fermer l'eau est le pire crime qu'il puisse commettre. Cela va forcer les enfants, les femmes et les personnes âgées à fuir, ce qui lui permettra de lancer des attaques".
Le groupe terroriste a choisi cette stratégie car il "n'a probablement pas assez de combattants à nous opposer dans le cadre d'une guerre conventionnelle", souligne Arkan Khalaf al-Tarmuz, un autre élu provincial. "Il utilise donc l'eau comme une arme pour affaiblir les zones où se trouvent des bases militaires".
“Progrès importants”
Les forces gouvernementales se retrouvent par ailleurs à la merci des attaques aux camions piégés, une technique dévastatrice de plus en plus utilisée par Daech pour semer la terreur et faire de nombreuses victimes.
Le groupe a ainsi revendiqué mardi une attaque suicide perpétrée la veille par trois kamikazes, qui a fait 47 morts en visant une base de la police au nord de Bagdad.
Placé sur la défensive après la chute de Ramadi, M. al-Abadi avait qualifié d'"échec" mardi à Paris la stratégie suivie par les pays de la coalition internationale, Etats-Unis en tête. Le Premier ministre a néanmoins reçu leur soutien à son plan de reconquête des territoires perdus même s'il lui a été demandé d'accélérer les réformes politiques, en particulier pour inclure la minorité sunnite.
Le numéro 2 de la diplomatie américaine, Antony Blinken, a défendu la stratégie de la coalition. En menant plus de 4.000 raids en neuf mois, elle a entraîné des "progrès importants": Daech contrôle "25% de moins de l'Irak", beaucoup de matériel a été détruit et plus de 10.000 militants de "l'EI" ont été tués, ce qui "va finir par avoir un effet".
24 morts en Syrie
En Syrie, la lutte contre Daech passe aussi par une transition politique, selon la coalition, qui a officiellement entériné mardi "l'incapacité" du régime de Bachar al-Assad à lutter contre les jihadistes. Affaiblie, l'armée recourt de plus en plus aux attaques par hélicoptère avec largage de barils explosifs sur les zones rebelles. Au moins 24 personnes, dont 8 enfants, ont ainsi trouvé la mort mercredi dans de nouvelles attaques dans le nord du pays, selon l'Observatoire syrien des Droits de l'homme (OSDH).
Plusieurs milliers de combattants irakiens et iraniens sont par ailleurs arrivés récemment en Syrie, avec pour objectif principal de défendre Damas et sa banlieue, a indiqué à l'AFP une source sécuritaire syrienne.
"Quelque 7.000 combattants iraniens et irakiens sont arrivés en Syrie" et "le but est d'arriver à 10.000 hommes pour épauler l'armée syrienne et les milices pro-gouvernementales", a affirmé ce membre des services de sécurité à Damas, sous couvert de l'anonymat.