L'évènement sera marqué cette année par le retour des Iraniens, absents en 2016, et se déroulera sur fond de crise diplomatique dans le Golfe et de recul de Daech dans ses fiefs irakiens et syriens.
"Je suis tellement excitée, beaucoup de gens rêvent de venir ici. Lorsqu'on quitte ce lieu, on se sent plus religieux", affirme à l'AFP l'Indonésienne Eni, 47 ans, le visage rond ceint d'un voile couleur sable brodé de dentelle aux extrémités.
Son pays fournit le premier contingent de pèlerins à La Mecque et ses coreligionnaires sont nombreux à l'aéroport de Jeddah, à 80 km de La Mecque, où transitent ces jours-ci des dizaines de milliers de pèlerins.
La tête plongée dans un Coran, Eni semble loin du vacarme incessant qui l'entoure. La chaleur est étouffante. Des perles de sueur stagnent au-dessus de sa bouche.
"Après mon premier pèlerinage à La Mecque, j'ai senti que je voulais revenir pour me sentir proche de lui", le prophète Mohammed, dit-elle, avant de reprendre la lecture des versets.
Le hajj, le grand pèlerinage, est l'un des cinq piliers de l'islam que tout fidèle est censé accomplir au moins une fois dans sa vie s'il en a les moyens.
"Nous attendons cette année environ deux millions de pèlerins", indique à l'AFP le directeur des Affaires du Hajj et Omra, Abdelmajeed Mohammad Al-Afghani.
Il sera marqué cette année par le retour des Iraniens qui avaient payé un lourd tribut lors de la bousculade meurtrière de 2015 à La Mecque où près de 2.300 fidèles avaient trouvé la mort, la pire catastrophe de l'histoire du hajj.
L'Iran avait enregistré 464 morts et s'était violemment insurgé contre les conditions d'organisation du pèlerinage par l'Arabie saoudite. A cela s'était ajoutée en janvier 2016 la rupture des relations diplomatiques entre les deux pays après le saccage de l'ambassade saoudienne à Téhéran par une foule qui réagissait à l'exécution dans le royaume d'un dignitaire religieux chiite.
Tout cela s'était traduit l'an dernier par l'absence des pèlerins iraniens à La Mecque.
Mais, pour des experts, ni Riyad ni Téhéran n'avaient intérêt à prolonger cette situation. "Politiser un évènement comme celui-là ne rapporte rien", indique Slimane Zeghidour, auteur de La vie quotidienne à La Mecque de Mahomet à nos jours.
"Politiser le pèlerinage" est une accusation qui est souvent revenue ces dernières semaines. Depuis près de trois mois, le Golfe est le théâtre d'une crise aiguë entre d'un côté l'Arabie saoudite et ses alliés et de l'autre le Qatar.
Les premiers reprochent au petit émirat gazier son "soutien" à des groupes extrémistes et son "rapprochement" avec l'Iran chiite, grand rival régional de l'Arabie saoudite sunnite.
Le boycott imposé au Qatar depuis le 5 juin, qui comprend la fermeture des liaisons terrestres, maritimes et aériennes, a eu un impact sur les voyages liés au hajj, bien que l'Arabie saoudite ait récemment annoncé un assouplissement de certaines restrictions.
Dans le terminal de l'aéroport de Jeddah, les pèlerins marchent hâtivement pour ne pas perdre leur groupe.
"Je suis tellement heureux de participer au pèlerinage", confie Mohammed Saïd, un Nigérian de 43 ans. Drapé de deux tissus immaculés et non cousus (Ihram), le vêtement traditionnel du pèlerin, il s'apprête à vivre son troisième hajj.
"Je veux le faire tous les ans si j'en ai les moyens. A chaque fois, c'est différent, c'est comme si je le faisais pour la première fois".
"Le pèlerin court, bouge, doit effectuer plusieurs étapes: c'est tellement prenant physiquement et mentalement qu'il n'a pas le temps de penser à la crise du Golfe, pour lui c'est de la littérature", tempère Zeghidour. "Beaucoup de pèlerins viennent d'Asie ou d'Afrique, loin du Moyen-Orient, et arrivent dans un lieu où ils essaient d'oublier leur vie".
Les attaques jihadistes qui ont meurtri le monde entier ces dernières années seront dans les esprits de certains pèlerins, notamment ceux venus d'Irak et de Syrie où l'EI a essuyé une série de revers.
La menace terroriste s'est accrue en Europe, mais cela n'entame pas la joie de Fatima, originaire de Perpignan, dans le sud de la France.
Un voile rouge autour du cou comme les femmes de son groupe, elle craque, émue. Elle s'essuie pudiquement le visage avant de retrouver les autres femmes et glisse: "J'attendais ce voyage depuis longtemps".