«Est-ce que Twitter devrait offrir une amnistie générale aux comptes suspendus, tant qu'ils n'ont pas enfreint la loi ou envoyé des spams de façon scandaleuse ? Oui/Non», a-t-il demandé hier, mercredi 23 novembre 2022.
Cinq heures après, environ deux millions de comptes s'étaient déjà prononcés, largement en faveur du «oui».
Le nouveau propriétaire et directeur général de Twitter a déjà réhabilité samedi le compte de l'ancien président américain Donald Trump, banni du réseau social après l'assaut du Capitole à Washington en janvier 2021, à cause des risques d'appels à la violence.
«Le peuple s'est exprimé. Trump va être rétabli», avait tweeté Elon Musk après que 15 millions de comptes ont répondu à son sondage sur le retour du multimilliardaire républicain, dont 51,8% en faveur du «oui».
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L'homme le plus riche au monde a expliqué à maintes reprises avoir racheté Twitter parce qu'il considère la plateforme comme la «place publique numérique» essentielle à la démocratie dans le monde.
Il juge la modération des contenus trop restrictive, mais sa vision absolutiste de la liberté d'expression fait craindre un déferlement d'abus (désinformation, discours de haine) sur le réseau social.
De nombreuses marques ont déjà suspendu leurs dépenses publicitaires sur Twitter, qui en dépend à 90% pour ses revenus.
Modérateur-en-chefL'entrepreneur libertaire a d'abord tenté de les amadouer, rappelant que les règles n'avaient pas (encore) changé et promettant de ne prendre aucune décision sur le rétablissement de comptes avant la création d'un «conseil de modération des contenus».
«Une large coalition de militants sociaux et politiques était d'accord pour ne pas essayer de tuer Twittter en asséchant nos recettes publicitaires à cette condition», a-t-il tweeté mardi dernier, un tweet entre-temps disparu.
Mais «ils ont rompu l'accord», a-t-il ajouté, en guise de justification sur le retour de plusieurs personnalités évincées de la plateforme.
Vendredi il a en effet déjà laissé revenir une humoriste qui s'était fait passer pour lui, «The Babylon Bee», un site satirique américain, et Jordan Peterson, une personnalité médiatique conservatrice.
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Ces deux derniers avaient été suspendus respectivement en mars et en août pour infraction au règlement sur les propos haineux -les deux s'étaient moqués de personnalités transgenres.
Elon Musk semble néanmoins avoir une limite: il a indiqué qu'il n'allait pas autoriser à nouveau le complotiste américain d'extrême droite Alex Jones, poursuivi depuis plusieurs années par des parents de victimes de la tuerie de l'école de Sandy Hook de Newton (Connecticut) pour avoir affirmé que le massacre n'était qu'une mise en scène pilotée par des opposants aux armes à feu.
Ayant vécu la mort de son premier enfant, il a expliqué être «sans merci vis-à-vis de quiconque utiliserait les décès d'enfants pour (engranger des) gains financiers, politiques ou de renommée».
«Confiance»Elon Musk est largement critiqué pour ses décisions impulsives à la tête de Twitter, des licenciements massifs au lancement chaotique de nouvelles fonctionnalités.
Il écarte les critiques plusieurs fois par jour sur son compte aux 118 millions d'abonnés à coup de memes (des images parodiques), d'émoticônes, de provocations, d'attaques personnelles et de pirouettes.
«Il n'a pas compris que Twitter était une marque en soi, la plateforme avait du cachet. Maintenant les entreprises ne veulent plus y être associées», remarque Sarah Roberts, professeure spécialiste des réseaux sociaux à l'université UCLA.
Le patron de Tesla et SpaceX risque aussi d'être rattrapé par les régulateurs.
Twitter doit en effet respecter des lois européennes, dont celle sur les Services numériques (DSA), qui obligeaient les plateformes à retirer rapidement les contenus illicites et à lutter contre la désinformation, notamment.
L'Arcom, le gendarme français des médias, a rappelé lundi au groupe californien ses «obligations» et lui a demandé de lui «confirmer» d'ici jeudi être «en mesure» d'y faire face et «de lui faire part de l'évolution à brève échéance des moyens humains et technologiques» qui y sont consacrés.
Le fantasque entrepreneur est encouragé dans ses méthodes arbitraires par son armée de fans.
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Mais même certains de ses admirateurs semblent las.
«Elon Musk, je suis un client reconnaissant de Starlink (fournisseur internet et filiale de SpaceX, ndlr). J'ai eu une Tesla. J'apprécie SpaceX. Twitter, c'est différent. (...) Ce sont vos politiques, votre agenda et vos opinions qui constituent le problème et détruisent la confiance», a tweeté John Phillips, un avocat et utilisateur authentifié du réseau.
«La vérité dans le temps construit la confiance. Rien d'autre», lui a répondu le patron.