Le plus grand pays d'Asie centrale est ébranlé par une contestation qui a éclaté dimanche dernier dans l'ouest après une hausse des prix du gaz avant de gagner Almaty, où les manifestations ont viré à l'émeute contre le pouvoir, des protestataires s'emparant de bâtiments officiels.
Les violences se sont poursuivies jeudi, un correspondant de l'AFP entendant plusieurs coups de feu dans le centre de cette ville qui portait les stigmates des affrontements de la veille, avec des façades d'immeubles noircies par les flammes, des carcasses de véhicules calcinées et des flaques de sang au sol.
Des médias locaux ont affirmé jeudi soir que les forces de l'ordre avaient chassé les manifestants de la principale place d'Almaty et repris le contrôle des bâtiments officiels, ce que l'AFP n'a pas pu vérifier.
Peu auparavant, Moscou avait annoncé l'arrivée au Kazakhstan de militaires russes dans le cadre du déploiement d'une «force collective de maintien de la paix» de l'Organisation du traité de sécurité collective (OTSC), un groupe sous contrôle russe, à l'appel du gouvernement kazakh.
Les Etats-Unis ont mis jeudi en garde les troupes russes contre toute violation des droits humains ou velléité de «prise de contrôle» des institutions du pays.
«Les Etats-Unis, et franchement le monde entier, surveillent toute éventuelle violation des droits humains. Et nous surveillons aussi tout acte qui puisse jeter les bases pour une prise de contrôle des institutions du Kazakhstan», a déclaré le porte-parole de la diplomatie américaine Ned Price.
«Nous espérons que le gouvernement du Kazakhstan sera en mesure de répondre aux problèmes qui sont fondamentalement de nature économique et politique», a-t-il ajouté.
«Terrifiant»Les violences ont suscité un choc au Kazakhstan, pays d'environ 19 millions d'habitants et riche en ressources naturelles, réputé pour son gouvernement aussi stable qu'autoritaire.
Saule, une manifestante de 58 ans, dit avoir vu une dizaine de protestataires tomber sous les balles des forces de l'ordre près de la résidence présidentielle à Almaty mercredi soir.
Manifestant contre la «corruption», elle se dit en outre «profondément déçue» par le président kazakh, Kassym-Jomart Tokaïev, qui a accusé des groupes de "terroristes" formés selon lui à l'étranger d'être derrière les émeutes.
Le bilan de ces troubles est lourd: les autorités ont fait état de «dizaines» de manifestants tués et plus d'un millier de personnes blessées, dont 62 grièvement.
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Dix-huit membres des forces de sécurité ont été tués et 748 blessés, ont par ailleurs rapporté les agences de presse, citant les autorités.
Kassym-Jomart Tokaïev, a jusqu’ici échoué à calmer les manifestants, malgré des concessions sur les prix du gaz et du carburant, et le limogeage du gouvernement.
En parallèle, la répression bat son plein: les autorités, qui ont instauré l'état d'urgence et un couvre-feu nocturne, ont annoncé jeudi qu'environ 2.300 personnes avaient été arrêtées rien qu'à Almaty.
«Dehors, le vieux!»Mercredi, les images diffusées dans les médias et sur les réseaux sociaux ont montré des scènes de chaos avec des magasins pillés et certains bâtiments administratifs incendiés à Almaty, tandis que des tirs d'arme automatique retentissaient dans la ville.
Les manifestants ont notamment visé la mairie et la résidence présidentielle. La façade de cette dernière était noircie par les flammes et le portail d'entrée du complexe enfoncé, a constaté jeudi l'AFP.
Alors qu'Internet a été coupé, les institutions financières du pays ont suspendu leurs activités, de même que les aéroports d'Almaty, de la capitale Nur-Sultan et des grandes villes d'Aktobe et d'Aktau.
Kassym-Jomart Tokaïev avait assuré mercredi que des «gangs terroristes» ayant «reçu un entraînement approfondi à l’étranger» dirigeaient les manifestations.
Au-delà de la hausse des prix, la colère des manifestants est notamment dirigée vers l'ancien président autoritaire Noursoultan Nazarbaïev.
Agé de 81 ans, celui-ci a régné sur le pays de 1989 à 2019 et conserve une grande influence. Il est considéré comme le mentor du président actuel, Kassym-Jomart Tokaïev.
«Dehors, le vieux!», ont notamment scandé des manifestants. A Taldykourgan (sud-est), des protestataires ont déboulonné une statue de Noursoultan Nazarbaïev.
Inquiétude internationaleLe Kazakhstan, plus grande des cinq ex-républiques soviétiques d'Asie centrale et principale économie de la région, comprend une importante minorité russe et revêt une importance économique et géopolitique cruciale pour la Russie.
Moscou a appelé mercredi à résoudre la crise par le dialogue «et non par des émeutes de rues et la violation des lois».
L'ONU a appelé jeudi toutes les parties au Kazakhstan à «s'abstenir de toute violence» et Washington a réclamé une «solution pacifique».
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