Ce nouveau modèle, Donald Trump le crée en refusant de reconnaître sa propre défaite, en criant sans preuve à la fraude et en cherchant devant les tribunaux à priver Joe Biden de sa victoire au scrutin du 3 novembre.
Des responsables politiques et des experts interrogés par l'AFP dans plusieurs pays craignent donc que dans les démocraties fragiles, notamment en Afrique, les hommes forts ne prennent le milliardaire républicain en exemple pour justifier de s'accrocher au pouvoir.
"Le refus de Donald Trump de reconnaître sa défaite renforce le point de vue de nos chefs d'Etat en Afrique selon lequel les élections devraient être organisées de manière à ne pas être perdues", estime Mahamat Ahmat Alhabo, secrétaire général du Parti pour les Libertés et le Développement (PLD), un parti d'opposition tchadien.
Le Russe Garry Kasparov, ancien champion du monde d'échecs et opposant du président Vladimir Poutine, craint que les attaques de Donald Trump contre le processus démocratique n'entraînent "beaucoup d'attaques similaires lors de futures élections, aux Etats-Unis ou ailleurs".
"La démocratie discréditée, le rêve de Poutine", a-t-il écrit sur Twitter.
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Thomas Carothers, de la Fondation Carnegie pour la paix internationale à Washington, note que la Russie, la Chine ou l'Egypte sont loin d'avoir attendu les conseils de Donald Trump en la matière.
Mais les effets pourraient être plus palpables dans des démocraties encore instables dont les dirigeants voient le président américain clamer victoire et bénéficier du soutien d'une partie de la population, alors que son adversaire démocrate a remporté près de six millions de voix de plus.
"Ils voient la puissance de cette approche; même une société aussi éduquée et sophistiquée d'une certaine manière que celle des Etats-Unis peut être victime de cette sorte de grand mensonge", explique Thomas Carothers.
Il fait un parallèle avec les "fake news", terme cher à Donald Trump et repris à travers le monde par les gouvernements qui veulent museler les médias.
Selon l'expert, Donald Trump pourrait ainsi servir de modèle en Inde, la plus grande démocratie au monde, où les responsables de la société civile se plaignent régulièrement d'être harcelés par l'administration du Premier ministre nationaliste Narendra Modi.
Ou au Mexique, où le président populiste de gauche Andres Manuel Lopez Obrador a crié à la fraude lors de deux élections perdues et qui reste l'un des rares, avec Vladimir Poutine, à ne pas avoir félicité Joe Biden.
De manière plus indirecte, les dirigeants de droite européens, comme en Hongrie et en Pologne, pourraient aussi s'inspirer de la Maison Blanche.
Depuis la présidentielle, la diplomatie américaine a félicité les vainqueurs de plusieurs élections, comme en Moldavie où le président pro-russe Igor Dodon a rapidement concédé sa défaite.
Mais le secrétaire d'Etat Mike Pompeo, à qui un journaliste demandait si Donald Trump ne sapait pas l'appui américain à la démocratie, s'est agacé de cette question "ridicule", affirmant que le recomptage des voix dans plusieurs Etats américains était un "processus légal" qui "prend du temps".
Les élections américaines ont connu plusieurs controverses, notamment en 2000 quand George W. Bush l'a emporté avec 537 voix d'avance en Floride, ce qui lui a donné la victoire.
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Et en 1960, les républicains avaient dénoncé des irrégularités dans la victoire de John F. Kennedy, mais son adversaire Richard Nixon n'avait pas demandé de vérification. Il avait plus tard écrit ne pouvoir "penser à pire exemple pour les pays étrangers" que d'alléguer que la Maison Blanche "puisse être volée dans les urnes".
Piers Pigou, spécialiste de l'Afrique subsaharienne pour l'International Crisis Group, souligne que la démocratie américaine "n'est pas considérée comme le meilleur modèle" mais que l'attitude de Donald Trump pourrait avoir des conséquences dans des pays n'ayant pas de processus clairs pour le transfert du pouvoir.
Pour d'autres observateurs, l'exemple américain pourrait aussi envoyer un message opposé: malgré toute la puissance à sa disposition, Donald Trump devrait comme prévu quitter son poste le 20 janvier.
"Ce sont les institutions qui font la force des démocraties", affirme Jean Gaspard Ntoutoume Ayi, membre de l'"Appel à agir", un mouvement de la société civile au Gabon où la famille Bongo tient la présidence depuis plus de 50 ans.
"Contrairement aux Etats africains, les institutions américaines sauront imposer à la folie de Trump le vote du peuple", ajoute ce militant du parti d'opposition Union nationale.