Mariano Rajoy n'a pu éviter cette dure séance de reproches et l'humiliation, deux mois après avoir remporté les élections législatives avec seulement 33% des voix. Il n'a obtenu que 170 voix pour son maintien au pouvoir, exactement comme mercredi. Et sans surprise, les 180 autres députés ont voté contre lui.
Cela ouvre un délai de moins de deux mois, jusqu'au 31 octobre, pour que les partis tentent de former un gouvernement, ce qu'ils ne parviennent pas à faire depuis huit mois.Rajoy pourrait être à nouveau candidat à l'investiture, tout comme le dirigeant socialiste Pedro Sanchez.Au cours du débat d'investiture, tous deux se sont mutuellement accusés de vouloir, en réalité, de nouvelles élections à la fin de l'année.
"Si vous persistez dans votre politique du non, non, non et non, permettez au moins qu'en Espagne se forme un gouvernement", a lancé Rajoy aux socialistes. Soutenu par ses seuls élus du PP, ceux du petit parti libéral Ciudadanos et une députée de l'archipel des Canaries, il ne pouvait être investi sans l'abstention de députés socialistes.
Lui qui se targue d'avoir favorisé le retour de la croissance et la baisse du chômage a insisté sur l'idée qu'une poursuite de la paralysie aurait "un coût" et que l'ensemble des Espagnols en paierait "la facture élevée".
De son côté, Pedro Sanchez a lié le "non" catégorique des socialistes aux nombreuses "affaires de corruption" ayant impliqué des membres du PP. Et il a accusé Rajoy de s'être servi de la crise économique, née en 2008, pour mener une politique ultralibérale et "démanteler le système de protection sociale".
Au printemps, le socialiste avait lui-même échoué dans sa tentative de formation d'un gouvernement qui s'appuyait uniquement sur un pacte avec les libéraux.
Vendredi soir, une porte-parole du Parti socialiste a indiqué à l'AFP que Pedro Sanchez allait "parler avec les forces du changement", Ciudadanos et Podemos. "Si nous agissons tous, nous trouverons une solution et (...) le groupe parlementaire socialiste en fera partie", leur avait-il lancé durant le débat, sans être plus explicite.
De son côté, le compte officiel du gouvernement sur Twitter a assuré que "Rajoy continuerait de négocier pour éviter de troisièmes élections".
“Cela suffit!”, disent des électeurs A Madrid, des Espagnols interrogés dans la journée s'étaient montrés exaspérés. "Cela suffit! Nous sommes la risée du monde entier", assurait Luis Garcia Montero, 53 ans, employé d'une grande banque et électeur de Ciudadanos.
Une électrice socialiste, Belen Ludec Lopez, puéricultrice de 30 ans, avouait ne pas savoir si elle retournerait aux urnes. "Les gens en ont ras-le-bol", disait-elle, tout en jugeant logique la position du PSOE puisque ses électeurs voulaient "faire barrage au PP".
Le blocage dure depuis que deux nouveaux partis ont bouleversé le jeu politique, fin 2015, en faisant leur entrée au Parlement: Podemos à gauche et Ciudadanos au centre-droit.
"Ce pays a changé et ce ne sont plus deux partis qui se répartissent tout", a rappelé le dirigeant de Podemos, Pablo Iglesias. Pour mettre fin à la paralysie, le petit parti libéral Ciudadanos, lui avait finalement accepté de soutenir, sans enthousiasme, un second gouvernement de Rajoy.
Parfois il faut choisir "entre le mauvais et le moins mauvais", avait lâché son dirigeant, Albert Rivera, qui ne semble pas disposé à soutenir une nouvelle fois une candidature de Rajoy après cette investiture ratée. Certains attendent encore de voir si les résultats des élections régionales au Pays basque et en Galice, le 25 septembre, peuvent changer la donne.
Les partisans de Rajoy espèrent toujours arracher l'appui de députés du parti nationaliste basque PNV, si jamais celui-ci a besoin du soutien des conservateurs pour rester au pouvoir au Pays basque. Mais le PNV oppose une fin de non-recevoir au PP, en dénonçant sa politique envers les Basques ces dernières années.