Le chef du gouvernement sortant avait besoin de la majorité absolue de 176 voix sur 350 pour être investi, comme il le demande, à la tête d'un cabinet minoritaire. Mais il n'a obtenu que 170 votes, les 137 de son Parti Populaire (PP), 32 du petit parti libéral Ciudadanos, un d'une députée de l'archipel des Canaries.
Lors d'un second vote vendredi, il lui suffirait de recueillir plus de oui que de non pour obtenir la confiance de la chambre, mais aucun des autres partis n'est prêt à s'abstenir pour lui laisser la voie libre.
"Le groupe socialiste votera contre vous", avait averti Pedro Sanchez, le secrétaire général du Parti socialiste (PSOE), première force d'opposition, à l'ouverture d'un débat virulent, où Rajoy a été traité de menteur qui ferme les yeux sur la corruption de son parti. Il a reproché au dirigeant conservateur de n'avoir fait aucun effort pour élargir sa majorité et d'avoir simplement exigé l'abstention de ses adversaires sur le mode "c'est moi ou le chaos". "C'est un chantage en bonne et due forme", a-t-il lancé. M. Rajoy, en réponse, l'a accusé de bloquer la formation du seul gouvernement possible et de "vouloir obstinément de nouvelles élections".
Selon la Constitution, le vote de mercredi ouvre un délai de deux mois pour trouver une formule de gouvernement. Sans quoi le parlement sera dissous automatiquement au 31 octobre et de nouvelles élections devront être convoquées. Un répétition du scénario qui avait suivi les élections du 20 décembre. Faute d'accord entre les quatre grands partis --le PP, le PSOE, et les deux nouveaux, Podemos de gauche radicale et Ciudadanos-- pour former un gouvernement, il avait fallu organiser de nouvelles législatives en juin.
L'Espagne est sans gouvernement depuis plus de huit mois. M. Rajoy assurant l'interim avec des pouvoirs limités, sans pouvoir préparer le budget 2017 qu'il devrait présenter à la mi-octobre à la commission européenne. Aucune solution n'était en vue mercredi. "Puisque les partis campent sur leurs positions, un troisième scrutin est le scénario le plus probable", a estimé Antonio Barroso, un analyste du think-tank Teneo Intelligence, basé à Londres.
Le PSOE n'envisage pas de s'abstenir en faveur du chef impopulaire d'un parti éclaboussé par une succession de scandales de corruption. "Ce serait, explique à l'AFP un conseiller de Pedro Sanchez, abandonner le champ à Podemos", alors même que ce parti qui cherche à supplanter les socialistes est en perte de vitesse. Et le PSOE n'est pas en mesure de réunir une majorité de gauche. "Impossible, tranche le même conseiller. On ne va même pas essayer ! La méfiance envers Podemos est totale". A droite, M. Rajoy pourrait en théorie espérer élargir sa majorité après les élections régionales du 25 septembre au Pays basque.
Si le Parti nationaliste basque (PNV) perdait la majorité absolue, il pourrait avoir besoin de l'appui du PP pour rester au pouvoir. M. Rajoy pourrait alors demander en échange l'appui des cinq députés du PNV à la chambre. Mais leurs relations se sont encore dégradées mercredi. "Vous n'avez pas fait le moindre effort pour obtenir notre vote (...) Nous ne voulons pas non plus voter pour vous", lui a lancé le chef du groupe parlementaire du PNV, Aitor Esteban.
Selon les délais fixés par la loi électorale, la date choisie par M. Rajoy pour le débat entraîne la convocation des prochaines élections le 25 décembre, une façon de faire chanter l'adversaire, selon ses détracteurs. Mais le PSOE prépare un amendement pour raccourcir la campagne, afin que le vote ait lieu le 18 décembre. Il a reçu pour cela l'appui de Ciudadanos et de Podemos, un signe que tous pensent déjà qu'il faudra retourner aux urnes...