Le numéro deux de la Justice, Rod Rosenstein, a annoncé la nomination de Robert Mueller, très respecté directeur du FBI de 2001 à 2013, sous George W. Bush puis Barack Obama. Le ministre de la Justice, Jeff Sessions, proche du président, s'était récusé en mars dans l'enquête sur les ingérences russes dans la campagne présidentielle de 2016.
La nomination vise à isoler les investigations du pouvoir politique en réduisant au minimum la supervision de ce ministère, qui exerce la tutelle du FBI et donc sur les agents qui enquêtent depuis l'été dernier dans cette affaire mêlant politique et espionnage.
Le milliardaire républicain, qui se plaignait encore le matin d'être maltraité par les médias, a réagi sèchement par voie de communiqué, sans mentionner M. Mueller.
"Comme je l'ai dit à de nombreuses reprises, une enquête complète confirmera ce que nous savons déjà: il n'y a eu aucune collusion entre mon équipe de campagne et une entité étrangère", a-t-il déclaré, ajoutant: "Je suis impatient que cette affaire se conclue rapidement".
La nomination représente un revers et une surprise pour la Maison Blanche, pour qui l'enquête actuelle se suffisait à elle-même.
Dans un consensus rare, à l'inverse, élus républicains et démocrates ont applaudi la nomination de M. Mueller.
"Bob était un bon procureur fédéral, un grand directeur du FBI et on ne pourrait pas trouver de meilleure personne pour assumer cette fonction", a déclaré la sénatrice démocrate Dianne Feinstein.
"Mueller est un superbe choix. Un CV impeccable. Il sera largement accepté", a tweeté l'élu républicain Jason Chaffetz. "Un choix excellent", a abondé la sénatrice républicaine Susan Collins.
Les élus démocrates du Congrès ont crié victoire, bien que certains estiment qu'il ne s'agisse que d'une première étape et réclament la création d'une commission spéciale sur la Russie, au mandat plus large que la stricte enquête policière.
L'opposition réclamait unanimement la nomination d'un procureur spécial depuis le limogeage soudain du directeur du FBI James Comey, le 9 mai, soupçonnant une tentative d'entrave à la justice.
Depuis cette éviction brutale, la presse a rapporté que Donald Trump aurait fait pression sur M. Comey pour qu'il classe le volet de l'enquête concernant Michael Flynn, son éphémère conseiller à la sécurité nationale soupçonné de jeux troubles avec les Russes. Le policier aurait refusé, mais consigné cette conversation dans des notes qui ont commencé à fuiter dans les médias.
M. Comey a été invité à s'expliquer lors d'auditions publiques au Congrès mais n'avait pas encore accepté mercredi soir.
Le milliardaire a aussi admis dans une interview que le limogeage était lié à son exaspération vis-à-vis de l'enquête sur les ingérences russes.
Au Congrès, la majorité républicaine avait rejeté les appels à un procureur spécial mais exprimait depuis des jours son malaise face aux interventions du président dans l'enquête.
L'inquiétude a atteint les milieux d'affaires et Wall Steet a terminé la journée de mercredi sur sa plus forte baisse depuis l'élection de novembre.
Jeudi matin, les Bourses de Tokyo, Shanghai et Hong Kong ont ouvert en nette baisse, plombées par la chute du dollar découlant des déconvenues politiques du président Trump.
A ces événements s'ajoutait une affaire distincte, reflétant selon les détracteurs de l'homme d'affaires son incapacité à exercer la fonction suprême.
Donald Trump aurait donné au chef de la diplomatie russe et à l'ambassadeur de Moscou, dans le Bureau ovale le 10 mai, des informations secrètes sur un projet d'opération du groupe Etat islamique, déclenchant la consternation parmi les élus et dans les milieux du renseignement.
Pour le chef d'Etat, le calendrier est particulièrement inopportun, car il doit s'envoler vendredi pour une tournée internationale de huit jours.