Cette affaire d'empoisonnement, qui a rapidement pris des allures de confrontation Est-Ouest sans précédent depuis la Guerre froide, s'envenime à quelques jours d'une élection présidentielle russe dans laquelle Vladimir Poutine devrait largement remporter un quatrième mandat le plaçant à la tête du pays jusqu'en 2024.
La riposte de Moscou face à Londres est à attendre "d'une minute à l'autre", a déclaré aux journalistes le porte-parole du Kremlin, Dmitri Peskov, ajoutant que ces mesures de représailles seront "mûrement réfléchies" et "totalement conformes aux intérêts de notre pays".
En déplacement à Astana, la capitale du Kazakhstan, pour une réunion sur la Syrie, le chef de la diplomatie russe Sergueï Lavrov avait auparavant confirmé que Moscou expulserait de son territoire des diplomates britanniques "sur un principe d'égalité".
Cette riposte russe doit venir après l'annonce mercredi par Theresa May de l'expulsion de 23 diplomates russes et le gel des contacts bilatéraux avec la Russie, une décision déjà dénoncée comme "absolument irresponsable" par Moscou. Selon Dmitri Peskov, l'intensité de la riposte russe sera décidée in fine par le président Vladimir Poutine, actuellement en campagne électorale avant la présidentielle de dimanche.
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La Russie clame son innocence depuis l'empoisonnement par un agent toxique à Salisbury, dans le sud de l'Angleterre le 4 mars, de l'ex-agent double russe Sergueï Skripal et de sa fille Ioulia, hospitalisés dans un état grave. "Il faudra tôt ou tard que la Grande-Bretagne fournisse des preuves concluantes. (...) Pour l'instant, nous n'en avons pas vues", a poursuivi Dmitri Peskov vendredi.
Londres, Berlin, Paris et Washington ont publié un communiqué commun affirmant que la responsabilité de Moscou était la seule explication "plausible" de cette affaire, et demandé au Kremlin de fournir des informations sur le programme "Novitchok", l'agent soupçonné d'être à l'origine de l'empoisonnement.
L'existence de cet agent innervant à l'efficacité redoutable a été révélée par un chimiste russe aujourd'hui réfugié aux États-Unis, Vil Mirzaïanov, qui affirme qu'il a été mis au point dans les années 1980 par des scientifiques soviétiques. La Russie, elle, dément catégoriquement qu'un tel programme ait jamais existé et souligne qu'elle a détruit tous ses stocks d'armes chimiques sous contrôle international.
Le secrétaire général de l'Otan Jens Stoltenberg a appelé vendredi la Russie à "coopérer" sur l'affaire Skripal, assurant que l'alliance "ne voulait pas d'une nouvelle Guerre froide". Mais ce climat de confrontation Est-Ouest a été encore renforcé par l'annonce par Washington de sanctions contre la Russie en réponse à l'ingérence présumée de Moscou dans l'élection présidentielle américaine de 2016 et à plusieurs cyber-attaques.
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Au total, 19 individus et cinq entités (dont le FSB, service de renseignement intérieur, et le GRU, service de renseignement militaire) sont visés par le gel de leurs avoirs et par une interdiction pour des sociétés américaines de faire des transactions avec eux.
La Russie, qui rejette ces accusations, a annoncé son intention de prendre des "mesures de représailles" contre Washington. Pour l'heure, Vladimir Poutine est resté de marbre face à ces tensions et a poursuivi sa campagne, enchaînant concert de soutien, selfies avec des jeunes ou appelant vendredi solennellement au vote.
"L'affaire Skripal a une très faible influence sur la campagne électorale. Mais il y a des électeurs pour qui le slogan +mort aux traîtres+ a un sens", notamment au sein de l'électorat de M. Poutine, explique l'expert russe Alexandre Baounov, du centre Carnegie à Moscou.
Vladimir Poutine "garde un silence mystérieux (sur l'affaire Skripal), ce qui lui permet de gagner des points au sein de l'électorat d'inspiration staliniste" qui pourrait être tenté de voter pour son adversaire communiste lors du scrutin, souligne-t-il.