"Jusqu'à présent, on a tenu bon", a affirmé à l'AFP le député européen Edouard Martin, qui craignait "que l'Allemagne essaie de négocier un accord bilatéral avec les Etats-Unis" à l'approche du 1er juin, date où arrivent à échéance les exemptions aux taxes douanières de 25% sur l'acier et de 10% sur l'aluminium annoncées en mars par Donald Trump.
"Malgré les divergences, l'Union européenne est restée unie vis-à-vis de l'extérieur et l'est aujourd'hui plus qu'il y a deux semaines", a assuré une source européenne. "L'Allemagne pensait obtenir un accord sur le secteur automobile, mais elle se rend compte désormais que les exigences américaines vont beaucoup plus loin et touchent d'autres secteurs", a-t-elle ajouté à l'AFP.
Mercredi, le président américain a annoncé qu'il envisageait de nouvelles taxes sur les importations de véhicules aux Etats-Unis, les marques allemandes étant particulièrement visées.
Sur le front commercial comme sur les sanctions sur l'Iran, la France est montée dès le début en première ligne pour s'opposer à Washington: le ministre des Finances, Bruno Le Maire, a exigé à plusieurs reprises une "exemption sans condition" des taxes douanières.
De son côté, l'Allemagne, qui a le plus à perdre en cas de guerre commerciale avec les Etats-Unis, a donné l'impression de jouer cavalier seul, notamment en dépêchant en mars sa propre délégation à Washington -avant celle de l'UE- pour négocier directement la possibilité d'un traitement de faveur... pour l'ensemble de l'Union.
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"Les Allemands font preuve d'une lâcheté inouïe devant leur ami (américain) au nom de la prétendue realpolitik", a fustigé l'éditorialiste Jakob Augstein dans l'hebdomadaire allemand Der Spiegel, accusant Angela Merkel de cautionner un système Trump remplaçant la loi par la force et rappelant qu'il s'agit d'un des piliers du fascisme.
Malgré cette unité officielle, le ministre allemand de l'Economie, Peter Altmaier, a toutefois lancé un avertissement mardi à Bruxelles, lors d'une réunion des ministres du Commerce européens à Bruxelles. "En cas d'escalade non seulement sur l'acier, mais aussi sur d'autres produits, et au regard des problèmes avec l'Iran ou la Russie, nous risquons beaucoup plus que de simples répercussions économiques", a-t-il déclaré.
Sur l'Iran, Emmanuel Macron est à la manoeuvre sur la "loi de blocage" pour protéger les entreprises européennes opérant dans ce pays afin de contrecarrer les effets extraterritoriaux des sanctions américaines pour les entreprises européennes voulant investir en Iran. Il a obtenu que la Commission européenne lance vendredi dernier la procédure officielle.
Mais la chancelière Angela Merkel a relativisé la démarche la semaine dernière en affirmant, lors d'une rencontre avec Vladimir Poutine, qu'il ne fallait "pas se bercer d'illusions" sur l'efficacité de ce mécanisme pour convaincre les entreprises européennes de rester en Iran.
Au milieu de ces incertitudes, la commissaire européenne au Commerce, Cecilia Malmström, s'est déclarée prête à discuter un accord commercial "restreint" avec les Etats-Unis qui se concentrerait sur l'abaissement des droits de douane sur certains produits industriels -mais pas agricoles- ainsi que sur l'ouverture des marchés publics. Une idée qui renvoie au TTIP (ou Tafta), le grand accord commercial négocié par l'UE avec les Etats-Unis, très impopulaire aussi bien en France qu'en Allemagne.
Cecilia Malmström a surtout émis des doutes sur la proposition des 28 chefs d'Etat et de gouvernement européens qui s'étaient mis d'accord la semaine passée lors d'un sommet à Sofia sur ce qu'ils étaient prêts à mettre sur la table pour échapper aux taxes douanières américaines. "Est-ce que (l'offre de l'UE) sera suffisante ? Franchement, je ne suis pas sûre", a-t-elle affirmé mardi à Bruxelles.
"La réaction de Mme Malmström est surprenante", a reconnu la source européenne qui constate que les autres pays menacés par les Etats-Unis n'ont pas cédé à la pression pour l'instant. "Il y a certes un accord avec la Chine pour suspendre les augmentations réciproques de taxes douanières, mais on n'en connaît pas le contenu", a-t-elle ajouté.
Pour sa part, Edouard Martin exige un autre ton de la part de la Commission. "Ce qui me heurte c'est qu'elle soit toujours dans une position défensive a minima et qu'on affiche une espèce de faiblesse", s'est agacé l'ancien leader syndical. "J'ose espérer que cet épisode va servir de détonateur pour arrêter d'être les grands naïfs de cette planète commerciale", a-t-il ajouté, souhaitant "plus d'Europe" dans ce domaine.