Le jour même où le président français Emmanuel Macron prononce à Paris un discours très attendu sur ses "projets-clefs" pour l'Europe, Alstom réunit mardi 26 septembre son conseil d'administration, tandis que Siemens tient une réunion de son conseil de surveillance.
En vertu d'un montage complexe qui reste à définir, le conglomérat allemand pourrait monter au capital d'Alstom à hauteur de 45 à 50%, en échange de l'apport de ses activités ferroviaires au groupe français.
Quant à l'Etat français, qui détient 20% des droits de vote d'Alstom et deux sièges à son conseil d'administration, il pourrait sortir du capital du constructeur ferroviaire.
Le président Macron, fervent partisan d'un axe franco-allemand, défendrait le projet qui donnerait naissance au numéro deux mondial -en volume- pour le matériel ferroviaire roulant.
Le rapprochement vise à créer un "Airbus du rail", selon une expression récemment employée par le patron d'Alstom, afin de faire le poids face à la concurrence internationale, et en particulier le chinois CRRC, premier constructeur ferroviaire au monde qui lorgne sur les marchés européens. Son chiffre d'affaires est plus du double de celui d'Alstom.
"La consolidation est une nécessité pour lutter contre le mastodonte chinois, qui est deux à trois fois plus gros que nous", admet Claude Mandart, représentant du syndicat CFE-CGC, premier syndicat d'Alstom.
"Et en même temps, on est inquiet, car on est en choc frontal avec Siemens sur toutes nos activités: très grande vitesse, signalisation, trains régionaux, métros, tramways...", poursuit M. Mandart.
"On ne va pas pouvoir tout garder à moyen terme, des synergies vont être trouvées, c'est d'ailleurs tout l'intérêt de l'opération, donc il y aura malheureusement de la casse sociale à moyen terme, c'est incontournable", estime-t-il.
Alstom emploie 32.800 salariés, Siemens Mobility (branche rail) 27.100.
Un projet datant de 2014 déjàLe projet de rapprochement avait déjà été étudié en 2014, mais avait échoué, Alstom préférant céder ses activités énergie à l'américain General Electric et recentrer son activité sur le ferroviaire.
Le possible passage sous pavillon allemand du constructeur du TGV, perçu en France comme une icône de la réussite nationale, suscite également de vives critiques.
"C'est une immense escroquerie organisée par l'État, qui va mettre Alstom Transports, l'un des fleurons français, sous la domination complète de Siemens", a estimé Nicolas Dupont-Aignan, président du petit parti nationaliste Debout la France.
"Ce n'est pas un Airbus ferroviaire. Airbus est une magnifique réalisation (...) il n'y a pas la domination d'une entreprise sur une autre. Cela permettra à Siemens, sans dépenser un centime, de devenir propriétaire de notre technologie, de nos brevets", a-t-il accusé sur la radio France Inter.
Valérie Pécresse, du parti Les Républicains (droite), a dit "souhaiter -et je suis inquiète- que cet Airbus du ferroviaire, qui n'est pas une mauvaise idée, ne se fasse pas au détriment de la France".
"Je souhaite qu'Alstom respecte les engagements de production en France qui ont été pris au moment" des commandes passées pour les transports d'Ile-de-France, région qui inclut Paris et dont Mme Pécresse est la présidente.
Une décision sur un éventuel rapprochement n'est cependant "pas certaine" dès mardi, en raison de la "grande complexité d'une telle transaction", évaluée à 15 milliards d'euros environ, selon le quotidien allemand Frankfurter Allgemeine Zeitung (FAZ), qui suggère que le canadien Bombardier pourrait s'inviter dans un deuxième temps en apportant au nouveau groupe ses activités ferroviaires.
D'après le journal Handelsblatt, le pôle ferroviaire de Siemens serait absorbé par Alstom, pour former un groupe installé et coté à Paris, mais dont l'allemand prendrait la moitié du capital.
La présidence du conseil de surveillance reviendrait à Siemens, tandis que le patron d'Alstom, Henri Poupart-Lafarge, conserverait la tête du directoire.