"Jeu de massacres", "grande lessive", "chamboule-tout"... Commentateurs et ténors de tous bords assistent, médusés, à un maëlstrom politique commandé par une soif de renouveau. Après le Brexit et l'élection de Donald Trump aux Etats-Unis, cette présidentielle, très observée à l'étranger, "danse sur un volcan", résumait mardi le quotidien Le Monde.
Il y a encore quelques mois les Français imaginaient sans enthousiasme revoir le 7 mai prochain le même duel qu'en 2012 entre l'ex-président de droite Nicolas Sarkozy et le socialiste François Hollande. Ils voient désormais un casting inattendu qui pourrait encore évoluer si le champion de la droite François Fillon, en pleine tourmente, se retirait.
Dans ce contexte explosif, un sondage d'opinion publié mercredi donne pour la première fois M. Fillon éliminé au premier tour, signe de l'impact de l'enquête en cours pour détournement de fonds publics.
Avec 20% des intentions de vote, celui qui était parti favori arrive derrière la candidate d'extrême droite Marine Le Pen (27%) et Emmanuel Macron, ex-ministre de l'Economie positionné au centre, parti en outsider (23%). Derrière eux, le nouveau champion socialiste, Benoît Hamon et le tribun de la gauche radicale Jean-Luc Mélenchon.
Les ténors qui occupaient la scène politique depuis une décennie sont tombés les uns après les autres à la faveur de primaires, un mode d'investiture apparu en 2011 en France. La droite y a eu recours pour la première fois de son histoire en novembre dernier.
Cet épisode a vu chuter Nicolas Sarkozy et l'ex-Premier ministre Alain Juppé, favori pendant des mois. Au parti socialiste, affaibli et divisé, l'ex-Premier ministre Manuel Valls, lui aussi favori après le désistement du président François Hollande, a pâti du rejet de la politique gouvernementale qu'il a incarnée pendant deux ans.
Désormais, les candidats plaident tous pour en finir "avec les vieilles recettes", vantent leurs programmes "radicaux", "innovants", ou "antisystème". L'étoile montante de la campagne Emmanuel Macron, 39 ans, n'a jamais eu aucun mandat électif, se présente sans étiquette, son livre programme s'intitule "Révolution".
«La tendance “dégagiste” va s'amplifier»"Peu de fois dans ma vie politique j'ai senti autant d'exaspération (...) Et on devine que la tendance «dégagiste» de la société va s'amplifier", pronostiquait dimanche sur sa page Facebook Jean-Luc Mélenchon. Comme Emmanuel Macron, le tribun de l'extrême gauche a préféré faire cavalier seul, sans primaire. Et les coups de théâtre s'enchaînent.
Selon l'hebdomadaire satirique Le Canard enchaîné, l'épouse de François Fillon, Penelope, mère au foyer jusque-là sans profession connue, a perçu plus de 900.000 euros brut comme "assistante parlementaire" et comme collaboratrice d'une revue. Deux de ses enfants étudiants ont eux aussi travaillé comme assistants parlementaires de leur père il y a dix ans, selon le journal.
"La crédibilité de ma candidature est remise en cause" par cette affaire, a reconnu lors d'une réunion avec des parlementaires le candidat conservateur, qui accuse le pouvoir socialiste d'avoir lancé ces "boules puantes".
L'ex-Premier ministre, qui avait fait de la probité un thème clé de sa campagne, a promis qu'il renoncerait à concourir s'il était inculpé. Mais au fil des jours, des voix s'élèvent pour son remplacement immédiat, sans attendrel'issue de cette affaire qui nourrit le discrédit pesant sur la classe politique.
Marine Le Pen aussi Dirigeante d'un parti en progression constante à toutes les élections depuis 2011 avec son programme anti-Europe et anti-immigration, Marine Le Pen est elle aussi impliquée dans une affaire d'emplois fictifs au Parlement européen où elle siège comme députée.
L'institution lui a réclamé près de 300.000 euros, ce qui correspond aux sommes qu'elle a perçues pour rémunérer une assistante qui ne travaillait pas au Parlement européen mais pour son parti. Face au refus de Marine Le Pen de rembourser, le Parlement va répliquer par des retenues sur son salaire.
Engagée dans une stratégie de dédiabolisation depuis plusieurs années, Marine Le Pen espère tirer profit de la vague nationaliste, eurosceptique et anti-mondialisation en Europe et aux Etats-Unis.