Le président de la République n’a pas promulgué la réforme des retraites en direct à la télévision, comme il l’avait fait pour les premières réformes emblématiques de son premier mandat en 2017. Pour autant, Emmanuel Macron n’a pas traîné.
La publication au Journal officiel quelques heures à peine après sa validation partielle par le Conseil constitutionnel a été vécue comme une nouvelle provocation par les opposants. «Jusqu’au bout le mépris», a jugé le secrétaire général du syndicat de la CFDT, Laurent Berger.
Une manière aussi de signifier que l’allocution de ce lundi soir, retransmise sur les principales chaînes télévisées, devrait être tournée vers la suite du quinquennat. Or, pour recoller les morceaux après trois mois d’intense crise sociale, et avec un exécutif abimé par l’adoption sans vote de la réforme des retraites, et toujours privé de majorité à l’Assemblée, la tâche s’annonce immense.
«Le président souhaite pouvoir à cette occasion avoir un message pour les Français, alors que s’achève ce moment autour de la réforme des retraites qui sans doute laisse de la colère dans les têtes et dans les cœurs», explique-t-on dans son entourage.
Des appels des opposants à la réforme ont justement fleuri sur les réseaux sociaux pour des concerts de casseroles et des rassemblements devant mairies ou préfectures à 20H00.
«Échanger avec les Français»
Emmanuel Macron veut devant les Français «tracer des perspectives pour les semaines et les mois à venir» et «entend esquisser les chantiers», poursuit son entourage. Il s’agit de «réaffirmer le cap qui est le sien, mais aussi redonner un cohérence d’ensemble à son action». Il devrait aussi rapidement ressortir du palais présidentiel pour «échanger avec les Français». Un ministre expliquait la semaine dernière souhaiter «que Macron passe plus de temps sur le terrain».
L’invitation lancée pour mardi aux partenaires sociaux est maintenue, malgré la fin de non-recevoir d’une intersyndicale peu disposée à coller à l’agenda présidentiel. L’heure est plutôt à tenter une démonstration de force lors du traditionnel rendez-vous du 1er mai.
«Un raz-de-marée populaire et historique», a souhaité la nouvelle secrétaire générale du syndicat de la CGT, Sophie Binet, quand son homologue de la CFDT Laurent Berger «souhaite que le 1er mai, on “casse la baraque” en nombre de manifestants dans la rue».
Un 1er mai unitaire serait une première depuis 2002, quelques jours après le fameux 21 avril qui avait vu un candidat de l’extrême droite (alors Jean-Marie Le Pen) accéder pour la première fois au second tour de l’élection présidentielle. En attendant, les quatre syndicats représentatifs de la SNCF appellent à une «journée d’expression de la colère cheminote» le jeudi .
«Sortir du déni»
Relancer la machine sera d’autant plus difficile que l’exécutif et la majorité ressortent ébranlés de la séquence. «Une Première ministre totalement carbonisée, un gouvernement décrédibilisé», a jugé la leader du principal parti d’extrême droite français, Marine Le Pen, pour qui le chef de l’État a trois solutions: référendum, dissolution... ou démission.
Une coalition avec la droite, évoquée depuis la perte de la majorité absolue à l’Assemblée en juin 2022, semble toujours aussi improbable. Pareille hypothèse suppose «un programme et un leader, et LR n’a ni programme, ni leader», cingle le patron du parti présidentiel Renaissance Stéphane Séjourné.
D’autres responsables de la majorité, comme le président du parti centriste MoDem, François Bayrou, ont mis en garde contre tout virage «à gauche ou à droite». «Est-ce que l’absence de majorité absolue nous empêche de faire les réformes? Manifestement non», évacue un conseiller de l’exécutif.
Mais pour Xavier Bertrand, président de la région des Hauts de France (nord) et membre du parti de droite traditionnelle français Les Républicains, Emmanuel Macron doit «sortir du déni» sur son absence de majorité et mettre «un terme à toute cette tension» dans le pays, sous peine de sombrer dans «un chaos».