Manuel Valls, 54 ans, qui met en avant son expérience du pouvoir dans un contexte de menace jihadiste en France, a tenté cette semaine de combler son retard en s'affichant comme le candidat de la "crédibilité" face à son adversaire Benoît Hamon, 49 ans, au programme centré sur la justice sociale, qualifié d'"utopiste" par l'ex-Premier ministre.
Selon les commentateurs, ces attaques qui creusent la fracture des "deux gauches" risquent de compromettre l'impératif de rassemblement après la primaire, dans un contexte déjà difficile pour le Parti socialiste (PS), émietté après cinq années au pouvoir.
Depuis des mois, le vainqueur de la compétition, quel qu'il soit, est donné disqualifié au premier tour de la présidentielle le 23 avril, loin derrière la candidate de l'extrême droite Marine Le Pen, galvanisée par le Brexit et la victoire de Donald Trump à la présidentielle américaine, et le conservateur François Fillon.
Le candidat du PS serait aussi, selon les sondages, derrière Emmanuel Macron, ex-ministre de gauche repositionné au centre, qui fait salle comble et engrange un flux ininterrompu de ralliements, et le tribun de la gauche radicale Jean-Luc Mélenchon.
Mais à trois mois de la présidentielle, des soupçons d'emploi fictif visant l'épouse de François Fillon, Penelope, viennent de précipiter dans la tourmente le candidat de la droite, qui bataille pour préserver ses chances à l'élection.
Dans ce contexte de campagne riche en surprises et rebondissements, les deux prétendants socialistes veulent à tout prix démentir le scénario écrit de leur défaite.
"En vérité, la victoire est là, à portée de main, à condition que nous propulsions (...) un futur désirable", a lancé vendredi soir l'ex-ministre de l'Education Benoît Hamon lors d'un ultime meeting à Lille (nord de la France).
Son rival, lui, cite l'affaire Penelope Fillon comme "la démonstration que l'élection présidentielle est très ouverte". Et pour la primaire, il veut aussi croire que "rien n'est joué, quelques centaines de milliers d'électeurs en plus, et j'espère bien davantage, et tout change!", a clamé Manuel Valls.
La participation au second tour de la primaire reste une inconnue majeure après une affluence médiocre au premier tour, signe du rejet des électeurs déçus par la politique du président socialiste sortant, François Hollande: 1,65 million de votants, selon le pointage définitif, quand la primaire de droite avait réuni en novembre plus de 4 millions de personnes.
Au premier tour du 22 janvier,Hamon était arrivé en tête avec 36% des voix contre 31,5% des voix pour Valls. Le challenger socialiste est en outre conforté par le ralliement du troisième homme, le chantre du "made in France" Arnaud Montebourg (17,5%).
Fort de cette arithmétique, des soutiens de ténors socialistes et d'une affluence aux meetings, le camp de Benoît Hamon veut croire en une victoire dans un fauteuil. "Si on perd dimanche, il faut réécrire le discours!", plaisantait vendredi l'un de ses porte-parole, Régis Juanico.
Révélation de la campagne devenu favori du scrutin, Benoît Hamon séduit avec sa vision innovante sur la transition écologique, le travail, les perturbateurs endocriniens... Il a aussi placé sa proposition phare au centre des débats, celle d'un revenu universel d'existence, de 750 euros à terme, sans pour autant chiffrer clairement son financement.
Les deux candidats ont affiché leurs profondes divergences, mercredi soir, notamment sur le travail et la laïcité, au cours d'un ultime débat télévisé.
Ces divisions ont poussé un député soutenant Manuel Valls, Gilles Savary, à préparer un projet de texte pour ceux voulant exercer "un droit de retrait de la campagne" de Benoît Hamon, en cas de victoire de ce dernier. Manuel Valls, lui, a déjà affirmé qu'il ne pourrait pas défendre le programme de son adversaire.