Des discussions sont encore en cours, mais à ce stade deux noms circulent pour prendre la suite de Dalil Boubakeur, qui assurait l'intérim depuis juillet: Mohammed Moussaoui, ex-président de cette instance de 2008 à 2013 et président de l'Union des mosquées de France (UMF, proche du Maroc); et Chems-eddine Hafiz, le tout nouveau recteur de la Grande mosquée de Paris (GMP) après la démission surprise samedi dernier de M. Boubakeur.
Cette institution, créée en 2003, principal interlocuteur des pouvoirs publics sur le culte musulman, est souvent critiquée pour son manque de représentativité et de résultats. Sont aussi dénoncées les querelles sans fin entre la petite dizaine de fédérations qui la composent et qui restent très proches des pays d'origine des communautés (Maroc, Algérie, Turquie...).
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Emmanuel Macron, qui a plusieurs fois regretté la persistance de cet "islam consulaire" (l'influence des pays étrangers), n'a pas renoncé à son projet, évoqué dès 2017, de mieux encadrer le culte musulman, en garantissant plus de transparence dans son financement. L'exécutif doit faire des propositions en février à ce sujet. Le CFCM est surtout très attendu sur le renforcement de la lutte contre la radicalisation. Fin octobre, après l'attaque à la préfecture de Paris et en pleine polémique sur le port du voile, le chef de l'Etat avait appelé le CFCM à "un changement de rythme pour qu'il combatte, au côté de l'Etat, le communautarisme et l'islamisme".
"Il faut que le CFCM ait une parole forte sur la place du voile, les femmes, l'école", avait encore dit M. Macron, qui doit dévoiler un plan contre l'islam radical d'ici à mars. Après ce rappel à l'ordre, le CFCM s'était engagé à une réflexion sur la mise en place d'un "ordre national des imams", sur le modèle de l'ordre des médecins ou des avocats. Il avait également promis une "réflexion sur les signes de radicalisation religieuse". La formation des imams est également régulièrement évoquée comme sujet à améliorer.
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Plusieurs fois repoussée, l'élection de dimanche s'avère complexe. En théorie, des règles d'alternance régissent la présidence du CFCM. Celle-ci est ainsi revenue à la GMP de 2013 à 2015, au RMF (proche du Maroc) de 2015 à 2017, aux Turcs de 2017 à 2019. C'est au tour des Algériens de prendre la présidence, disent les tenants de ce statut. Avocat d'affaires franco-algérien de 65 ans, M. Hafiz "revendique cette continuité", assurant cependant qu'il ne "passera pas en force".
Pour autant, M. Moussaoui, Franco-marocain de 55 ans, fait valoir que sa fédération, l'UMF, a emporté le plus d'élus sur le terrain, lors de la première phase de l'élection qui a eu lieu dans les régions en novembre. Maître de conférences à l'Université d'Avignon, il revendique "de présider la première période de la présidence", a-t-il dit à l'AFP. Notamment pour mettre en application ses priorités: "Statut et formation des imams", meilleure représentation du culte au niveau départemental, création d'un observatoire contre le radicalisme...
"Il n'y a pas de consensus à ce stade mais les discussions continuent jusqu'à samedi soir dans le but de trouver une liste consensuelle", affirme-t-il. De chaque côté, on espérait trouver un compromis afin de proposer une seule liste aux 87 administrateurs du CFCM qui se réunissent dimanche après-midi à la GMP.
La France compte entre cinq et six millions de musulmans pratiquants et non-pratiquants, selon les dernières études sur le sujet (Pew Research Center, institut Montaigne, Insee, Ined), ce qui fait de l'islam la deuxième religion du pays. Et fait de la communauté musulmane française la première communauté musulmane en Europe.
On estime à 2.500 le nombre de mosquées et salles de prières; 1.015 ont participé au scrutin du CFCM, selon ce dernier.