"Pour une heure, un jour, une semaine ou un mois, laissez-nous entrouvrir nos portes, même si nous devions les refermer en cas de nouveau confinement!": telle est la supplique formulée cette semaine par une centaine de directeurs et présidents de centres d'art, emmenés par Emma Lavigne, du Palais de Tokyo, à Paris.
Avec le président du Fonds de dotation aux industries culturelles ArtNova, Frédéric Jousset, et la journaliste Florence Belkacem, elle a adressé, vendredi, dix propositions à la ministre française de la Culture, Roselyne Bachelot, qui donnent des pistes réalisables facilement.Comme tous les lieux culturels en France, les musées sont portes closes depuis fin octobre. Et les espoirs d'une réouverture mi-décembre, puis fin janvier, ne se sont pas confirmés. Des expositions coûteuses restent sans visiteurs et doivent parfois être remballées sans avoir été vues.
Les demandes des musées se veulent conscientes des risques de diffusion du Covid: les pétitionnaires se disent prêts à observer un protocole sanitaire renforcé et une jauge encore plus réduite. Ils sont disposés à n'ouvrir qu'une partie de leurs salles, à certains créneaux horaires étroits.
Les Français, et surtout les jeunes, argumentent les pétitionnaires, ont un besoin urgent, pour leur santé psychique, d'aller redécouvrir les belles œuvres pour résister à la déprime, et ainsi faire de cette période difficile un "hiver culturel et apprenant". Ils s'appuient sur des expériences de réouvertures, notamment en Italie et en Espagne.
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Dans le journal Le Monde, une première pétition, signée par des personnalités comme Carla Bruni ou le journaliste franco-luxembourgeois Stéphane Bern, avait enfoncé le clou: "Les musées sont sans doute les lieux où les interactions humaines et les risques de contamination sont les moins avérés".
"Pourquoi, s'interroge auprès de l'AFP Frédéric Jousset, les bibliothèques où l'on est en contact avec les livres, les galeries où les espaces sont exigus sont-elles ouvertes, et pas eux?". Jousset, qui est aussi administrateur au musée du Louvre, dénonce "un angle mort". Car, observe-t-il, "notre secteur n'a pas un poids économique suffisamment grand". "Les musées, c'est la grande muette et les centaines de pétitionnaires sont sortis du bois pour exprimer ce que pense la majorité silencieuse". Car le musée, souligne-t-il, est le moins à risque" des acteurs culturels, pour rouvrir, car les visiteurs s'y déplacent et les agents surveillent les salles. "Nos musées sont ouverts de fait, ils sont chauffés, la lumière brûle à l'intérieur, les gardiens sont déjà là!", insiste-t-il.
Les acteurs du secteur s'accordent à dire que les musées sont fin prêts à accueillir le public du jour au lendemain, qu'il leur suffit juste de faire le rappel d'une partie de leur personnel. Il n'y a pas de répétitions à organiser comme dans les théâtres. Parmi les pistes d'action suggérées à Mme Bachelot par Frédéric Jousset, Emma Lavigne et Florence Belkacem, il y a souvent des options alternatives: une réouverture dans un premier temps durant le week-end lorsque les familles ont du temps, ou bien à l'inverse, comme en Italie, les jours de semaine.
Dans tous les cas, les protocoles sanitaires devraient être similaires à ceux validés dans les bibliothèques, les lieux de culte et les galeries d'art. L'accueil des scolaires devrait être favorisé et l'accès aux lieux patrimoniaux dans les zones à faible circulation du virus possible. Une priorité pourrait être donnée aux petits et moyens musées. Jousset espère faire bouger les lignes. Même si le "risque de susciter la jalousie" des autres institutions culturelles (théâtres, cinémas) est bien réel. Une donnée certainement prise en compte par le gouvernement.