L'homme de 43 ans sera jugé jusque mercredi par la cour d'assises spéciale de Paris dans un contexte sécuritaire tendu, deux semaines après l'attaque au hachoir qui a fait deux blessés devant les anciens locaux de l'hebdomadaire satirique Charlie Hebdo, perpétrée comme la sienne par un homme seul muni d'une arme rudimentaire.
En 2017, la France était déjà en alerte après une série d'attaques ou tentative visant notamment les forces de l'ordre et des lieux symboliques de la capitale. En avril, un policier est tué par balles sur les Champs-Elysées, un acte revendiqué par Daech que la France combat alors avec ses alliés occidentaux en Syrie et en Irak.
Le 6 juin, le parvis de Notre-Dame de Paris est paisible. Une vidéo de télésurveillance enregistrée dans l'après-midi montre des petits groupes de touristes déambulant sac au dos, sous le regard de trois policiers en uniforme.
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Soudain, à 16h19 locales, un homme qui semblait se cacher parmi les touristes bondit et tente de frapper l'un des policiers avec un marteau en criant "C'est pour la Syria!" (sic). Le policier, qui sera légèrement blessé à la tête, et un de ses collègues dégainent et ouvrent le feu. Blessé au thorax, l'assaillant, Farid Ikken, est neutralisé et arrêté.
Dans son sac, les policiers trouveront notamment un ordinateur et des clés USB remplis de propagande jihadiste. Et à son domicile, situé dans une résidence étudiante à Cergy (région parisienne), un appareil photo contenant une vidéo enregistrée la nuit d'avant l'attaque où il prête allégeance à Daech et annonce: "C'est l'heure de la vengeance, c'est l'heure du jihad".
Si l'accusé a rapidement reconnu les faits en détention, beaucoup de questions restent en suspens plus de trois ans après les faits, notamment sur ses intentions. Farid Ikken a-t-il voulu tuer les policiers ou, comme il le prétend, "juste" voulu les blesser ?
Poursuivi notamment pour "tentative d'homicides volontaires avec préméditation sur des personnes dépositaires de l'autorité publique en relation avec une entreprise terroriste", l'accusé nie toute volonté de tuer.
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Il répète avoir voulu blesser les policiers dans un "acte de résistance politique" destiné à "attirer l'attention de l'opinion publique française sur le massacre de (ses) petits frères et soeurs à Mossoul et en Syrie par l'armée française".
A l'époque, la France participe aux bombardements contre Daech à Mossoul, la grande ville du nord de l'Irak alors tenue par les jihadistes. Cette féroce bataille, qui durera neuf mois, fera près de 10.000 morts parmi les civils, d'après les enquêtes de plusieurs médias occidentaux et ONG.
Outre le marteau, Farid Ikken portait sur lui, au moment de l'attaque, deux couteaux de cuisine de 18 et 26 cm de long.
Pour Thibault de Montbrial, avocat de l'un des trois policiers attaqués, l'un des deux qui a tiré sur Farid Ikken, la volonté de tuer de l'accusé ne fait aucun doute et doit être reconnue.
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"Mon client a été confronté brutalement à une violence extrême. Ça l'a beaucoup perturbé, et il a quitté la région parisienne après cela. C'est important pour lui que la qualification (d'homicide, NDLR) soit en adéquation avec ce qu'il a vécu", explique l'avocat à l'AFP.
La cour tentera également de savoir ce qui a fait basculer Farid Ikken, étudiant discret et multi diplômé -un profil atypique dans ce genre d'attaques- dans la violence jihadiste. Rien dans son parcours ne le laissait augurer.
Né en Algérie dans une famille kabyle nombreuse et "peu pratiquante religieusement", selon les enquêteurs, il y avait obtenu le baccalauréat puis une licence avant de partir en Suède en 2001, où il se marie avec une Suédoise et décroche un master de journalisme. Il arrivera en France en mars 2014, pour entamer une thèse de doctorat, que l'attaque viendra interrompre.