Cette mise en examen est un nouvel obstacle pour l'ancien chef de l'Etat sur le chemin de l'élection présidentielle de 2017, estime la presse mercredi. L'ex-chef de l'Etat, qui ambitionne de disputer la primaire de son camp à l'automne pour revenir au pouvoir en 2017, a été entendu toute la journée par le juge financier Serge Tournaire, qui soupçonne que ses comptes de campagne ont été truqués pour cacher une explosion du plafond légal des dépenses de 22,5 millions d'euros.
A l'issue de cette audition, il a "été mis en examen du chef de financement illégal de campagne électorale pour avoir, en qualité de candidat, dépassé le plafond légal de dépenses électorales", a annoncé le procureur de la République de Paris, François Molins, dans un communiqué.
Une "infraction formelle", s'est employé à relativiser son avocat Thierry Herzog, qui a fait part de sa "satisfaction" tout en annonçant des "contestations". "Aucun fait lié au dossier Bygmalion (n'est) reproché" à Nicolas Sarkozy, a-t-il soutenu.
Statut de témoin assisté
De fait, l'ancien chef de l'Etat a été placé sous le statut de témoin assisté pour les chefs d'usage de faux, escroquerie et abus de confiance, qui sont liés directement à la mise en place du système de fausses factures. Anciens responsables de la campagne, de l'UMP ou de Bygmalion, treize autres personnes sont mises en examen dans cette affaire.
L'ancien chef de l'Etat est lui déjà mis en examen pour corruption et trafic d'influence dans un autre dossier, celui des écoutes, dans lequel il est soupçonné d'avoir tenté d'obtenir, début 2014, auprès d'un haut magistrat, des informations couvertes par le secret dans une procédure judiciaire. Dans cette affaire, les juges d'instruction ont notifié la fin de leurs investigations et le président du parti Les Républicains risque un renvoi au tribunal correctionnel.
L'enquête Bygmalion, du nom de la société qui organisait ses meetings, porte à l'origine sur un vaste système de fausses factures pour cacher l'explosion du plafond légal des dépenses. Ces fausses factures auraient eu pour objet d'imputer à l'UMP, devenue Les Républicains, quelque 18,5 millions d'euros de dépenses qui auraient dû rentrer dans le compte de campagne. Au final, le Conseil constitutionnel avait quand même rejeté ce compte, pour un dépassement de quelques centaines de milliers d'euros.
Ligne rouge
Plusieurs cadres de Bygmalion, son comptable, ainsi que Jérôme Lavrilleux à l'UMP, ont reconnu l'existence de la fraude aux fausses factures, mais aucun protagoniste n'a mis en cause Nicolas Sarkozy pour l'avoir décidée ou en avoir eu connaissance. "A mon avis, il est impossible qu'il en ait été informé", avait affirmé en garde à vue Jérôme Lavrilleux, ex-bras droit de Jean-François Copé.
L'enquête montre cependant que Nicolas Sarkozy a demandé et obtenu plus de meetings, vers la mi-mars 2012, alors que le risque de franchir la ligne rouge était connu de l'équipe de campagne.
Les policiers ont retrouvé un courriel du 19 mars dans lequel Eric Cesari, alors directeur général de l'UMP, prend acte auprès du directeur de campagne Guillaume Lambert du "souhait du président de tenir une réunion publique chaque jour à partir de la semaine prochaine".
Or, Guillaume Lambert a déclaré aux policiers avoir informé le président-candidat des "contraintes budgétaires" posées par une note de l'expert-comptable, qui pointait un risque de dépassement du plafond et interdisait toute dépense supplémentaire.
"Une farce"
Entendu par les enquêteurs en septembre, Nicolas Sarkozy a assuré ne pas s'en souvenir et a relativisé le coût des événements ajoutés. Quant à Guillaume Lambert, il a expliqué, sans convaincre les juges, que des négociations sur les tarifs des précédents meetings avaient permis de dégager des marges de manoeuvre.
"L'argument d'une campagne qui dérape est une farce", avait affirmé Nicolas Sarkozy aux enquêteurs. Il a renvoyé la responsabilité des fausses factures sur Bygmalion et l'UMP dirigée alors par Jean-François Copé, placé la semaine dernière sous le statut de témoin assisté.
Mais depuis, l'enquête s'est élargie à des dépenses qui n'ont rien à voir avec la société de communication fondée par des proches de M. Copé. Les juges s'interrogent notamment sur une ligne "présidentielle" dans le budget 2012 du parti, indiquant 13,5 millions d'euros de dépenses engagées, alors que trois millions d'euros seulement ont été communiqués dans le compte de campagne. Trains, salles de meetings, tracts, sondages, les juges ont remonté la trace de nouvelles factures oubliées, qui apparaissent dans les comptes détaillés de l'UMP mais pas dans le compte de campagne.