Dans un communiqué, la présidence algérienne a dit exprimer son "rejet de toute ingérence dans ses affaires intérieures", en précisant réagir à des "propos non démentis que plusieurs sources françaises ont attribué nommément" à Emmanuel Macron. En raison d'une "situation particulièrement inadmissible engendrée par ces propos irresponsables", Alger a décidé "le rappel immédiat pour consultation" de son ambassadeur à Paris Mohamed Antar-Daoud.
Avant-même qu'Alger diffuse un deuxième communiqué expliquant sa courte annonce initiale via la télévision publique, les médias algériens avaient diffusé largement des déclarations prêtées au président français, publiées par le journal Le Monde samedi matin, en les qualifiant d'"acerbes" et de "dérapage".
Selon un article qui relate une rencontre jeudi entre le président et de jeunes descendants de protagonistes de la guerre d'Algérie (1954-1962), le président français estimerait qu'après son indépendance en 1962, l'Algérie s'est construite sur "une rente mémorielle", entretenue par "le système politico-militaire".
Selon Le Monde, Macron a également évoqué "une histoire officielle totalement réécrite", qui "ne s'appuie pas sur des vérités", mais sur "un discours qui repose sur une haine de la France".
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Les relations entre Paris et Alger étaient déjà tendues. Mercredi dernier, l'ambassadeur de France, François Gouyette, avait été convoqué au ministère des Affaires étrangères algérien pour se voir notifier "une protestation formelle", après la décision de Paris de réduire de moitié les visas accordés aux Algériens souhaitant se rendre en France.
A ce propos, dans l'article du Monde, Emmanuel Macron souligne, à l'attention de ses jeunes interlocuteurs, que la réduction des visas n'aura "pas d'impact" pour les étudiants et les milieux d'affaires. En revanche, ajoute-t-il, l'idée est "d'ennuyer les gens qui sont dans le milieu dirigeant", et qui "avaient l'habitude de demander des visas facilement".
En réponse à une jeune fille qui a grandi à Alger, le chef d'Etat français assure, selon Le Monde, ne pas penser qu'il y ait une "haine" contre la France "de la société algérienne dans ses profondeurs, mais du système politico-militaire qui s'est construit sur cette rente mémorielle".
Emmanuel Macron aurait dit: "on voit que le système algérien est fatigué, le Hirak (le mouvement pro-démocratie, à l'origine de la démission en 2019 du président Abdelaziz Bouteflika, récemment décédé, Ndlr) l'a fragilisé".
Dans son échange, le président français aurait assuré avoir "un bon dialogue avec le président (algérien, Abdelmajid) Tebboune", mais il aurait ajouté toutefois: "je vois qu'il est pris dans un système qui est très dur".
Sous le titre "Macron au vitriol sur le système algérien", le média francophone 24H Algérie a estimé que le président français avait parlé "comme tous les historiens et les intellectuels de la droite et de l'extrême droite, allergiques à toute remise en cause de l'héritage colonial français et de la reconnaissance des crimes coloniaux massifs commis en Algérie et ailleurs en Afrique".
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Le journal privé El Watan consacre sa Une de dimanche au "dérapage de Macron", avec une ligne où il estime que "le président français a émis des critiques acerbes vis-à-vis des dirigeants algériens".
Pour les médias locaux, un autre passage des déclarations de Macron est une pomme de discorde.
"Est-ce qu'il y avait une nation algérienne avant la colonisation française? Ça, c'est la question", se serait interrogé le président français, en rappelant qu'il y a eu "de précédentes colonisations". Avant de se dire, selon Le Monde, "fasciné de voir la capacité qu'a la Turquie à faire totalement oublier le rôle qu'elle a joué en Algérie et la domination qu'elle a exercée", en allusion à l'Empire ottoman.
Les déclarations attribuées au président français ont provoqué une tempête aussi sur les réseaux sociaux, beaucoup reliant les déclarations d'Emmanuel Macron à la campagne présidentielle en France "pour couper l'herbe sous le pied de (Eric) Zemmour", un journaliste polémiste qui marche sur les plates-bandes de l'extrême droite et se dit décidé à être candidat.