Le chef de la diplomatie américaine Antony Blinken boucle jeudi sa tournée au Moyen-Orient par un entretien avec le chef de l’opposition israélienne Yaïr Lapid après des discussions séparées mercredi avec le Premier ministre Benjamin Netanyahu et le président palestinien Mahmoud Abbas.
Si le secrétaire d’État a plaidé pour une trêve permettant l’acheminement de davantage d’aide humanitaire et la libération des otages, il a aussi exhorté son allié israélien à «protéger» les civils dans la poursuite de ses opérations militaires.
Après une première phase de son déploiement qui se concentrait dans le nord du territoire palestinien, l’armée israélienne a progressé vers le centre et le sud de Gaza, notamment dans la ville de Khan Younès, épicentre ces dernières semaines de raids aériens continus et de combats acharnés.
Or Benjamin Netanyahu a dit mercredi avoir ordonné à l’armée israélienne de «préparer» une offensive terrestre sur Rafah, ville située à la frontière fermée avec l’Égypte, où s’entassent 1,3 million de Palestiniens qui sont dans leur écrasante majorité des personnes déplacées par les opérations militaires israéliennes.
Dans la nuit de mercredi à jeudi, des témoins et des sources hospitalières ont d’ailleurs fait état de frappes meurtrières de l’armée israélienne dans le sud de la bande de Gaza, notamment à Rafah, qui ont tué au total 109 personnes, de mercredi en soirée à jeudi matin, selon le ministère de la Santé du Hamas.
Le secrétaire général de l’ONU, Antonio Guterres, a mis en garde contre les «conséquences régionales incalculables» d’un éventuel assaut sur Rafah qui «augmenterait de façon exponentielle ce qui est déjà un cauchemar humanitaire».
Abritée dans des camps improvisés dans la ville, sous des tentes de fortune, la population manque de tout. Comme le reste de la bande de Gaza, Rafah est plongée dans une crise humanitaire majeure après quatre mois de siège total, sans approvisionnement en eau, en nourriture, en médicaments, en électricité et en carburant. Les aides, dont l’entrée est bloquée depuis des jours par des civils israéliens, passent au compte-gouttes.
«En ce qui concerne Rafah (...) Israël a la responsabilité et l’obligation de faire tout ce qui est possible pour s’assurer que les civils soient protégés et qu’ils aient accès à l’aide dont ils ont besoin», a déclaré de son côté Antony Blinken.
L’attaque du Hamas le 7 octobre 2023 sur le sol israélien a entraîné la mort de plus de 1.160 personnes, en majorité des civils, selon un décompte de l’AFP à partir de données officielles israéliennes.
En représailles, Israël pilonne sans relâche le petit territoire palestinien, qu’il maintient sous blocus depuis 17 ans et sous un siège total depuis le début de la guerre. Les bombardements et les opération terrestres de l’armée israélienne ont tué 27.708 Palestiniens, en grande majorité des femmes, des enfants et des adolescents, et fait plus de 70.000 blessés, selon le dernier bilan du ministère de la Santé du Hamas.
En Cisjordanie, territoire palestinien occupé par Israël depuis 1967 et où le Hamas n’est pas représenté, plus de 400 Palestiniens ont été tués par les soldats et les colons israéliens depuis le 7 octobre, et des centaines de personnes ont été «arrêtées» par les forces israéliennes.
«Nouveau cycle de négociations»
Pour sa cinquième tournée dans la région depuis le début de la guerre, le chef de la diplomatie américaine a soutenu une proposition de trêve élaborée par des responsables américains, qataris et égyptiens fin janvier à Paris, à laquelle le Hamas a répondu. S’il a estimé que des éléments de la réponse du mouvement palestinien étaient «inacceptables», M. Blinken a dit néanmoins espérer la conclusion d’un second accord de trêve.
Or l’Égypte et le Qatar parrainent «un nouveau cycle de négociations» qui débute ce jeudi au Caire et vise à obtenir «le calme dans la bande de Gaza» ainsi qu’un échange de prisonniers palestiniens et d’otages israéliens, a annoncé un responsable égyptien à l’AFP.
Et le Hamas a précisé jeudi matin qu’une délégation menée par Khalil al-Hayya, haut responsable de son bureau politique, est attendue en matinée au Caire.
«Erreur de calcul majeure»
La guerre à Gaza exacerbe par ailleurs les tensions au Moyen-Orient. Un haut commandant des Brigades du Hezbollah, influent groupe armé irakien pro-Iran, a été tué mercredi soir par une frappe américaine visant son véhicule à Bagdad, Washington l’accusant d’être impliqué dans la planification des attaques visant ses soldats au Moyen-Orient.
Pour Comfort Ero, présidente de l’International Crisis Group (ICG), le risque de dérapage reste bien présent: «Je pense que les trois grands -l’Iran, Israël et les États-Unis- ne veulent pas d’une escalade. Mais nous constatons également que nous nous rapprochons chaque jour un peu plus d’une erreur de calcul majeure».