Engagée depuis le 27 octobre dans une campagne terrestre dans le nord du territoire palestinien assiégé, l’armée israélienne a élargi ses opérations au sol à l’ensemble de la bande de Gaza, avec des tanks déployés près de Khan Younès, dans le sud de l’enclave, nouvel épicentre des attaques.
Au début de son opération terrestre, l’armée israélienne avait forcé la population du nord de Gaza de migrer vers le sud du territoire, qui est devenu encore plus densément peuplé avec l’afflux de centaines de milliers de personnes déplacées.
Depuis la fin de la trêve, cette zone est à son tour la cible d’intenses bombardements et d’opérations au sol, faisant de très nombreux morts et blessés parmi les habitants de cette région et les civils venus s’y réfugier, pris au piège dans un périmètre de plus en plus restreint.
Dans la nuit, des témoins ont fait état à l’AFP de violents combats près de Khan Younès et de raids aériens vers Rafah, à la pointe sud du territoire, tandis que l’agence palestinienne Wafa a rapporté «plusieurs» morts dans une frappe à Gaza-ville, plus au nord.
Des organisations internationales s’alarment des risques pour les civils à Gaza, où «tous les services de télécommunications» sont à l’arrêt, en raison «d’une coupure des principaux réseaux de fibre du côté israélien», selon le groupe de télécoms palestiniens Paltel.
«Un scénario encore plus infernal est sur le point de se réaliser, auquel les opérations humanitaires ne pourront peut-être pas répondre», a déclaré la Coordinatrice humanitaire de l’ONU pour les Territoires palestiniens, la Canadienne Lynn Hastings, dont Israël avait annoncé la semaine dernière qu’il ne renouvèlera pas le visa.
La présidente du Comité international de la Croix-Rouge (CICR), Mirjana Spoljaric, arrivée lundi dans la bande de Gaza, a dénoncé elle les souffrances « intolérables » de la population. «Ce qui m’a le plus choqué, ce sont les enfants qui ont des blessures atroces et qui ont également perdu leurs parents et n’ont personne pour s’occuper d’eux», a-t-elle ajouté, soulignant que des civils «n’ont nulle part où aller».
D’après l’ONU, 1,8 million de personnes, soit les trois quarts environ de la population totale de Gaza, ont déjà été déplacées par la guerre. «Nous avons vu ce qui s’est passé dans le nord de Gaza. Cela ne peut pas servir de modèle pour le sud», a renchéri depuis Le Caire, Ahmed Al-Mandhari, directeur régional de l’Organisation mondiale de la santé (OMS).
Vider les entrepôts
Le patron de l’OMS, Tedros Adhanom Ghebreyesus, avait indiqué lundi avoir reçu une notice de l’armée israélienne afin de «retirer nos fournitures de notre entrepôt médical dans le sud de la bande de Gaza dans les 24 heures, car les opérations au sol le rendront inutilisable». Mais l’organe de la Défense israélienne supervisant les activités civiles dans les Territoires palestiniens a nié avoir demandé à l’OMS d’évacuer son entrepôt dans le sud de Gaza.
L’armée israélienne a toutefois demandé aux organisations humanitaires internationales leur «soutien» pour «aider à la mise en place des infrastructures» à Al-Mawasi, zone côtière du sud de la bande de Gaza entre Khan Younès et Rafah, où Israël demande aux civils de se replier. Elle a également largué des tracts sur certains quartiers avertissant qu’«une terrible attaque est imminente» et ordonnant aux habitants d’en partir.
Des dizaines de chars, de transports de troupes et de bulldozers israéliens sont entrés dans le sud du territoire palestinien à proximité de Khan Younès, où s’entassent une partie des civils, ont indiqué des témoins à l’AFP. Amine Abou Hola, 59 ans, a raconté que ces véhicules étaient entrés «sur une profondeur de deux kilomètres», dans le village d’al-Qarara, au nord de Khan Younès.
Dans un quartier dévasté de Rafah, ville frontalière de l’Egypte, des survivants fouillaient lundi les décombres. «Nous étions à la maison, nous avons entendu un énorme bruit et des choses ont commencé à nous tomber dessus, c’était comme un tremblement de terre. Nous n’avions jamais vu cela auparavant, la terre a tremblé et le son était si fort», a témoigné un rescapé, Abou Jahar al-Hajj.
Le ministère de la Santé du Hamas a affirmé lundi que 15.899 personnes, en grande majorité des civils, dont plus de 6.000 enfants et adolescents, ont été tuées par les bombardements israéliens sur la bande de Gaza depuis le 7 octobre.
En Israël, l’attaque menée le 7 octobre par des commandos du Hamas infiltrés depuis Gaza a fait 1.200 morts, en majorité des civils, selon les autorités. D’après l’armée israélienne, 137 otages sont toujours retenus à Gaza, 105 ayant été relâchés pendant une récente trêve d’une semaine, dont 80 en échange de 240 prisonniers palestiniens détenus par Israël, exclusivement des femmes et des adolescents.
Déploiement en Cisjordanie
Les opérations militaires israéliennes se sont également étendues à la Cisjordanie occupée (où le Hamas n’est pas présent), où plus de 270 Palestiniens ont été tués par des soldats ou des colons israéliens, et où des soldats israéliens étaient déployés, tôt ce mardi, dans le secteur de Jénine.
L’aviation israélienne a également indiqué avoir bombardé ce mardi des positions du Hezbollah, allié du Hamas, à la frontière entre Israël et le Liban, et différentes localités en territoire libanais en «représailles» à des tirs du Liban vers le nord d’Israël.