Dans la bande de Gaza, les affrontements ne connaissent aucun répit, notamment dans et autour de l’hôpital Al Chifa, dans la ville de Gaza (nord), où l’armée israélienne mène une offensive depuis le début de la semaine. Des bombardements ont également ciblé dans la nuit du vendredi à samedi la ville de Rafah (sud), faisant plusieurs morts.
«Nous en avons assez, je vous assure. Lâchez une bombe sur nous et libérez-nous de cette vie. C’est injuste, par Dieu, aucun être humain ne pourrait supporter ce qui nous arrive», pleure Turkiya Barbakh, proche de victimes de frappes dans le sud de Gaza. «Combien de temps allons-nous supporter cela? Nous sommes épuisés et ne pouvons plus supporter cette vie et cette pression immense».
Le patron de l’ONU Antonio Guterres rencontre samedi des travailleurs humanitaires du «côté égyptien» de Rafah, où s’entassent 1,5 million de Palestiniens, dans leur immense majorité des déplacés ayant fui les bombardements israéliens dans l’ensemble de la bande de Gaza. Ils survivent dans des conditions d’extrême précarité, dans la crainte d’une offensive terrestre d’envergure annoncée Israël depuis plusieurs jours.
Cette dernière a été au coeur des échanges vendredi à Tel-Aviv entre le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu et le chef de la diplomatie américaine Antony Blinken, qui s’opposent sur la question. «J’ai dit que nous n’avions pas la possibilité de défaire le Hamas sans entrer dans Rafah et sans éliminer les bataillons qui y restent. Je lui ai dit que j’espérais le faire avec le soutien des États-Unis, mais s’il le faut, nous le ferons seuls», a dit Benjamin Netanyahu après la rencontre avec le secrétaire d’État américain. Ce dernier a affirmé qu’une telle opération «risque de tuer davantage de civils (...), d’isoler Israël davantage au niveau mondial et de mettre en danger sa sécurité à long terme».
Signe des tensions croissantes entre l’administration Biden et Benjamin Netanyahu, Israël a annoncé la «saisie» de 800 hectares de terres dans la vallée du Jourdain, en Cisjordanie occupée, le jour de la visite de M. Blinken. «Vous connaissez notre point de vue sur l’expansion des colonies (...) nous avons un problème avec ça», a commenté le responsable à propos de la plus importante saisie de terres en territoire palestinien depuis les accords d’Oslo (1993) selon l’organisation israélienne anti-colonisation La Paix maintenant.
Un nouveau texte après le Veto de Moscou et Pékin
M. Blinken a achevé vendredi une nouvelle tournée dans la région pour soutenir les pourparlers au Qatar en vue d’une trêve de six semaines dans les combats, et impliquant ainsi des négociations indirectes entre Israël et le Hamas.
Pendant ce temps à l’ONU, un projet de résolution au Conseil de sécurité, présenté par les États-Unis, sur un «cessez-le-feu immédiat», a été neutralisé par des veto russe et chinois. Après avoir bloqué trois résolutions appelant à un cessez-le-feu, les États-Unis ont finalement mis aux voix vendredi ce nouveau texte qui relevait «la nécessité d’un cessez-le-feu immédiat et durable» et ce, «en lien avec la libération des otages encore détenus».
La Russie et la Chine ont mis leur veto à cette résolution américaine en dénonçant, comme nombre de pays arabes, une formulation ambiguë qui n’appelle pas directement à faire taire les armes. L’ambassadeur russe Vassili Nebenzia a dénoncé le «spectacle hypocrite» des États-Unis qui ont essayé de «vendre à la communauté internationale un produit totalement différent, une formulation diluée», alors que «Gaza a quasiment été effacée de la carte».
Un nouveau projet de résolution, exigeant «un cessez-le-feu immédiat» à Gaza, sera soumis au vote du Conseil de sécurité le lundi 25 mars, au lieu de ce samedi comme cela était annoncé initialement. «Si les États-Unis sont sérieux quant à un cessez-le-feu, alors qu’ils votent pour l’autre projet», a lancé l’ambassadeur chinois à l’ONU Jun Zhang.
Porté par huit des dix membres non permanents du Conseil de sécurité, le texte «exige un cessez-le-feu humanitaire immédiat pour le mois du ramadan (...), menant à un cessez-le-feu durable», et réclame aussi la libération «inconditionnelle» des otages et la levée de «tous les obstacles» à l’aide humanitaire.
D’après plusieurs sources diplomatiques, les États-Unis ont demandé des modifications du texte qui, selon l’ambassadrice américaine Linda Thomas-Greenfield, «ne soutient pas les efforts diplomatiques sensibles dans la région».
En cas d’échec, cette séquence diplomatique risque de laisser des «regrets» à certains membres du Conseil, a commenté Richard Gowan, analyste à l’International Crisis Group. «La résolution américaine n’était pas la hauteur de ce que la plupart des États membres attendaient mais c’était au moins un point de départ pour poursuivre les efforts pour arrêter les hostilités», a-t-il estimé.
L’attaque du Hamas le 7 octobre 2023 sur le sol israélien a entraîné la mort de plus de 1.160 personnes, en majorité des civils, selon un décompte de l’AFP à partir de données officielles israéliennes.
En représailles, Israël pilonne depuis plus de 5 mois la bande de Gaza, qu’il maintient sous blocus depuis 17 ans et sous un siège total depuis le début de la guerre. Les bombardements et les opération terrestres de l’armée israélienne ont tué 32.070 Palestiniens, en grande majorité des femmes, des enfants et des adolescents, et fait près de 73.000 blessés, selon le dernier bilan du ministère de la Santé du Hamas.
En Cisjordanie, territoire palestinien occupé par Israël depuis 1967 et où le Hamas n’est pas représenté, plus de 450 Palestiniens ont été tués par les soldats et les colons israéliens depuis le 7 octobre, et des centaines de personnes ont été «arrêtées» par les forces israéliennes.
Israël impose un siège complet au territoire palestinien depuis le début de la guerre et contrôle strictement l’aide qui arrive principalement depuis l’Égypte via Rafah. Or ces contrôles particulièrement restrictifs sur la nature et la quantité des aides ont pour effet, selon l’ONU, de réduire de manière considérable le nombre de camions entrant dans le territoire.
«Avant le 7 octobre, une moyenne de 500 à 700 camions entraient chaque jour à Gaza. Aujourd’hui, la moyenne est d’à peine 150», a chiffré sur X Philippe Lazzarini, le patron de l’Agence de l’ONU pur les réfugiés palestiniens (UNRWA).
Pour soulager la population, plusieurs pays organisent des parachutages de vivres et ont ouvert un couloir maritime depuis Chypre vers Gaza. Mais l’aide reste insuffisante face aux besoins des 2,4 millions d’habitants de Gaza.