Le chef de l’Organisation mondiale de la santé (OMS), Tedros Adhanom Ghebreyesus, s’est alarmé tôt dimanche d’avoir «perdu le contact» avec ses interlocuteurs au sein de l’hôpital al-Chifa de Gaza-ville, le plus grand du territoire, objet d’«attaques répétées».
«L’OMS est gravement préoccupée par la sécurité du personnel de santé, des centaines de patients malades et blessés, y compris des bébés sous assistance respiratoire, et des personnes déplacées qui restent à l’intérieur de l’hôpital», a-t-il dit sur X.
L’armée israélienne a assuré qu’elle aiderait à l’évacuation dimanche de bébés de l’établissement, autour duquel d’intenses combats se déroulent au 37e jour de la guerre déclenchée le 7 octobre par le Hamas.
Samedi, l’ONG israélienne Physician for Human Rights-Israel avait rapporté que «deux bébés prématurés (étaient) morts» dans cet hôpital après l’arrêt des soins néonataux intensifs faute d’électricité.
Les bébés «sont morts parce que leur incubateur ne fonctionnait plus, il n’y avait plus d’électricité», a témoigné le Dr Mohammed Obeid, chirurgien de MSF au service néonatal, dans un message diffusé par l’ONG sur X.
«Bain de sang»
Dans un communiqué diffusé dans la nuit, le directeur de l’établissement, Mohammed Abou Salmiya a indiqué que celui-ci était «totalement encerclé» par les forces israéliennes et que des bombardements «se poursuivent dans ses environs».
«L’équipe médicale ne peut travailler et les corps, par dizaines, ne peuvent être gérés ou enterrés», a-t-il ajouté.
«Si nous n’agissons pas maintenant, si nous n’arrêtons pas immédiatement ce bain de sang avec un cessez-le-feu ou au minimum une évacuation médicale des patients, ces hôpitaux deviendront bel et bien une morgue», a jugé MSF tôt dimanche.
L’ONG a fait état ces derniers jours de «bombardements incessants» sur les hôpitaux de Gaza-ville.
L’armée israélienne a démenti samedi avoir ciblé l’hôpital al-Chifa et a accusé «des organisations terroristes de la bande de Gaza» de l’avoir touché avec une «roquette mal tirée».
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Vendredi, elle avait annoncé qu’elle «tuerait» les combattants du Hamas «qui tirent à partir des hôpitaux» à Gaza. Israël accuse régulièrement le Hamas d’utiliser des civils comme «boucliers humains», notamment dans des écoles et des établissements de santé.
Frappes incessantes
Le pays entend «éradiquer» le Hamas après l’attaque sans précédent menée depuis Gaza par le mouvement islamiste, classé «organisation terroriste» par Israël, les Etats-Unis et l’UE. Quelque 1.200 personnes, surtout des civils, avaient été massacrées.
Environ 240 otages ont en outre été emmenés à Gaza, selon l’armée israélienne qui a perdu 42 soldats depuis le lancement le 27 octobre de son offensive terrestre.
Dans ce petit territoire de quelque 360 km2, les bombardements israéliens ont fait 11.078 morts, majoritairement des civils, parmi lesquels 4.506 enfants, selon le ministère de la Santé du Hamas, dont le dernier bilan remonte à vendredi.
D’après le bureau des affaires humanitaires de l’ONU (Ocha), 20 des 36 hôpitaux de la bande de Gaza sont «hors service» du fait de la guerre.
Les combats se concentrent au cœur de la ville de Gaza, où se trouve selon Israël le «centre» de l’infrastructure du mouvement islamiste, retranché dans un réseau de tunnels.
«Les tirs ne s’arrêtent jamais, les frappes aériennes sont incessantes comme les obus d’artillerie», a raconté par téléphone à l’AFP un témoin qui se trouve l’hôpital al-Chifa.
Chaises vides
La branche armée du Jihad islamique, allié du Hamas, a confirmé que ses «combattants étaient engagés dans des affrontements violents, notamment dans les alentours du complexe d’al-Chifa».
Le Croissant-Rouge palestinien avait affirmé vendredi que «des chars israéliens sont à 20 mètres de l’hôpital Al-Qods», autre établissement de Gaza-ville où sont réfugiées 14.000 personnes déplacées.
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Les multiples appels à un arrêt des combats depuis le début des opérations au sol sont rejetés par Israël et son principal allié, les Etats-Unis, qui estiment qu’une telle décision bénéficierait au Hamas.
A Londres, environ 300.000 personnes ont manifesté samedi pour réclamer un «cessez-le-feu maintenant».
Réunis en sommet extraordinaire à Ryad, les dirigeants arabes et musulmans ont condamné samedi un «deux poids-deux mesures» dans les réactions internationales à la guerre, rejetant l’argument israélien de «légitime défense» après l’attaque du Hamas.
Dans la soirée, plusieurs milliers de personnes se sont rassemblées à Tel-Aviv pour demander le retour des otages, en installant une longue table à manger avec plus de 200 chaises vides.
Une grande marche contre l’antisémitisme est par ailleurs prévue dimanche après-midi à Paris.
Mise en garde
La communauté internationale craint une extension du conflit à la frontière entre le Liban et Israël, où les échanges de tirs sont quotidiens depuis le 8 octobre entre l’armée et le Hezbollah et visent des cibles chaque jour plus en profondeur dans les deux pays.
Le chef du mouvement chiite, Hassan Nasrallah, a évoqué un renforcement des opérations contre Israël. Le ministre israélien de la Défense Yoav Gallant l’a mis en garde, affirmant que Beyrouth pourrait subir le même sort que Gaza si le Hezbollah entraînait le Liban dans une guerre.
Plus de 90 personnes ont été tuées du côté libanais lors d’accrochages transfrontaliers, selon un décompte de l’AFP, la plupart des combattants du Hezbollah. Six soldats et deux civils ont été tués côté israélien, selon Israël.
L’armée israélienne a par ailleurs annoncé tôt dimanche avoir frappé des «infrastructures terroristes» en Syrie à l’aide d’avions de combat, après des tirs depuis ce territoire vers la partie du Golan annexée par Israël.
A Gaza, près de 200.000 Palestiniens ont fui en trois jours le nord du territoire via des «corridors» ouverts quotidiennement pendant des «pauses» humanitaires, pour se réfugier au sud, moins ciblé, selon un décompte de l’armée israélienne communiqué samedi soir.
Le poste-frontière de Rafah, contrôlé par l’Egypte, doit rouvrir dimanche pour laisser passer des blessés, des étrangers et des binationaux, selon les autorités locales.
Pilonné sans relâche depuis plus d’un mois, le petit territoire palestinien, où plus de 1,5 des 2,4 millions d’habitants ont été déplacés selon l’ONU, est plongé dans une situation humanitaire catastrophique.
Un siège total imposé par Israël depuis le 9 octobre prive la population d’eau, d’électricité, de nourriture et de médicaments.