La situation reste désastreuse dimanche à Gaza où les Palestiniens sont menacés par la famine, après plus de soixante-quinze jours d’une guerre que le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu a répété, lors d’un entretien avec Joe Biden, vouloir mener jusqu’à l’élimination du Hamas.
Au cours de leur conversation téléphonique, le président américain «a souligné le besoin crucial de protéger la population civile», et les deux hommes ont évoqué les «objectifs» et le «phasage» de l’offensive israélienne, selon la Maison Blanche. Face à la presse, M. Biden a précisé qu’il n’avait «pas demandé de cessez-le-feu».
Les États-Unis, allié historique et principal fournisseur d’armes d’Israël, continuent de lui apporter un soutien sans faille, depuis l’attaque menée par le Hamas le 7 octobre. Ce jour-là, les commandos du mouvement palestinien ont fait environ 1.140 morts, en majorité civils, selon les derniers chiffres officiels israéliens. Ils ont aussi enlevé environ 250 personnes, dont 129 restent détenues à Gaza, selon Israël.
Mais face à l’hécatombe en cours à Gaza, Washington évoque également son souhait de voir l’armée israélienne passer à une phase moins intense de son offensive, pour privilégier des actions plus ciblées contre les responsables du Hamas. Les frappes et les opérations terrestres de l’armée israéliennes ont fait 20.258 morts dans la bande de Gaza, majoritairement des femmes, des adolescents et des enfants, et plus de 53.000 blessés, selon le ministère de la Santé du Hamas.
«Accordez-nous la paix»
Les deux dirigeants se sont parlés au lendemain de l’adoption d’une résolution par le Conseil de sécurité de l’ONU, qui réclame l’acheminement «immédiat» et «à grande échelle» de l’aide humanitaire à Gaza, soumise par Israël à un siège total, bloquant tout approvisionnement en eau, en nourriture, en médicaments ou en carburant.
La résolution a réussi cette fois à éviter un veto américain, en appelant à «créer les conditions d’une cessation durable des hostilités» plutôt qu’à un «cessez-le-feu». Après avoir opposé coup sur coup deux veto à des résolutions appelant à un «cessez-le-feu humanitaire» à Gaza, Washington est timidement sortie de son isolement en s’abstenant durant le vote.
Toutefois, la portée réelle de ce texte reste incertaine, ONG et agences de l’ONU expliquant que l’intensité des frappes israéliennes rend quasiment impossible toute distribution de l’aide alimentaire. Les Gazaouis rencontrés par l’AFP fustigent eux une communauté internationale «hypocrite» ou «impuissante».
Cette résolution «renforce la décision d’Israël de tuer davantage de civils et prolonge la guerre contre ce peuple en échange d’un peu de nourriture», a dénoncé Rami al-Khalut, un habitant du nord déplacé à Rafah (sud). «Plutôt que de me fournir de la nourriture et d’augmenter les livraisons d’aide, arrêtez de soutenir Israël et de lui fournir des armes, (...) arrêtez la guerre en cours et accordez-nous la paix».
Sous les bombardements et le blocus israéliens, la bande de Gaza s’enfonce dans une catastrophe humanitaire: la plupart des hôpitaux y sont hors service et 1,9 millions de personnes ont dû fuir leur domicile, soit 85% de la population, selon l’ONU.
Dans les six prochaines semaines, l’ensemble des 2,4 millions d’habitants de ce petit territoire de 362 km2 risque de subir un niveau élevé d’insécurité alimentaire, pouvant aller jusqu’à la famine, selon les Nations unies. À Rafah, où des centaines de milliers de réfugiés s’abritent dans des camps de fortune, la population se rue sur les rations alimentaires, insuffisantes pour satisfaire tout le monde, a constaté l’AFP. «Mes enfants ont perdu beaucoup de poids, la faim les réveille la nuit. Je pleure quand ils me demandent à manger le soir», a confié Nour Barbakh, une femme déplacée de Khan Younès faisant la queue pour attendre sa part.
Bombardements et tirs d’artillerie
Les bombardements et tirs d’artillerie se poursuivent dans plusieurs zones de Gaza. À Deir el- Balah (centre), une frappe a fait samedi des dizaines de morts et de nombreux blessés, parmi lesquels plusieurs femmes et enfants, a constaté l’AFP. «Je prenais une douche et lorsque je suis sorti de la salle de bain, la maison a été touchée par un missile de drone», a raconté Abed al-Khawalda, qui a perdu sa sœur dans le bombardement. «La maison s’est effondrée sur les personnes qui s’y trouvaient»
Le ministère de la Santé du Hamas a accusé les forces israéliennes d’avoir cette semaine «commis plusieurs massacres atroces» dans la région de Jabaliya et dans celle de Tal Al-Zaatar, et d’avoir notamment «exécuté des dizaines de citoyens dans les rues».
Incertitudes pour cinq otages
Les médiateurs égyptien et qatari tentent toujours de parvenir à un compromis sur une nouvelle trêve qui permettrait des aides plus importantes et des libérations d’otages et de prisonniers palestiniens incarcérés par Israël. Fin novembre, une trêve d’une semaine avait permis la libération de 105 otages et de 240 prisonniers palestiniens, exclusivement des femmes et des adolescents, ainsi que plus d’aide.
Néanmoins, les belligérants restent intransigeants. Le Hamas exige un arrêt des combats avant toute négociation sur les otages. Israël est ouvert à l’idée d’une trêve mais exclut tout cessez-le-feu avant «l’élimination» du mouvement islamiste.
Samedi, la branche militaire du Hamas a affirmé avoir «perdu le contact» avec ses combattants en charge de cinq otages israéliens. Ceux-ci ont probablement «été tués lors d’une frappe israélienne», a-t-elle estimé.
Au-delà de Gaza, le risque d’un embrasement régional persiste. Les rebelles Houthis du Yémen menacent notamment de ralentir le commerce régional en attaquant le trafic maritime en mer Rouge depuis plusieurs semaines.
Samedi soir, un navire de guerre américain situé en mer Rouge a abattu quatre drones qui le visaient, lancées depuis des «zones contrôlées par les Houthis», selon le Pentagone. Un peu plus tôt, il avait fait état d’un chimiquier japonais touché au large de l’Inde par un «drone d’attaque tiré depuis l’Iran».
Le Pentagone affirme que l’Iran, allié des rebelles yéménites et du Hamas, donne des informations aux Houthis pour la planification de leurs attaques. Des accusations rejetées par Téhéran, qui a assuré samedi que les rebelles agissent «en fonction de (leurs) propres décisions et capacités».