L’armée israélienne a poursuivi ses bombardements sur l’ensemble de la bande de Gaza dans la nuit du vendredi au samedi, tuant 123 personnes selon le ministère de la santé du Hamas. La même source a annoncé tôt ce samedi la mort de 36 personnes, dont des femmes et des enfants, dans une frappe sur une maison où s’entassaient des déplacés à Nusseirat, dans le centre du territoire palestinien.
Le Hamas qui exigeait jusqu’ici d’Israël un cessez-le-feu définitif avant tout accord sur une libération des otages retenus à Gaza, s’est dit prêt à une trêve de six semaines, pendant laquelle 42 otages -femmes, enfants, personnes âgées et malades- pourraient être libérés en échange de 20 à 50 Palestiniens détenues par Israël.
Dans cette optique, le mouvement palestinien exige le «retrait de l’armée de toutes les villes et zones peuplées», le «retour des déplacés sans restrictions» et l’entrée d’au moins 500 camions d’aide humanitaire par jour à Gaza, a indiqué un de ses cadres à l’AFP.
Le secrétaire d’État américain Antony Blinken a pour sa part déclaré que les pays médiateurs travaillaient «d’arrache-pied pour combler le fossé restant» en vue d’un accord sur les otages et une trêve.
Le bureau du Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu a, lui, annoncé qu’une délégation israélienne allait se rendre au Qatar dans le cadre des négociations autour de cet échange. Et la Maison Blanche s’est dit «prudemment optimiste» pour les négociations sur une trêve.
Outre les raids et les combats, l’ONU redoute une famine généralisée dans le territoire palestinien, notamment dans le nord, difficilement accessible à cause des destructions et des opérations militaires israéliennes. L’aide acheminée par voie terrestre entre dans le sud de la bande de Gaza après avoir été inspectée par Israël, mais à un rythme très insuffisant au regard des besoins des 2,4 millions d’habitants.
Une course contre la montre est engagée pour tenter d’acheminer davantage d’aide humanitaire, directement dans le nord de Gaza, par des parachutages ou un nouveau couloir maritime, bien que l’ONU et de nombreuses ONG sur place estiment que ces deux voies sont largement moins efficaces que des acheminements par voie terrestre.
Jour de première
Parti mardi de Chypre, un bateau de l’ONG espagnole Open Arms transportant 200 tonnes de vivres de l’organisation World Kitchen Central (WCK) a atteint vendredi une jetée flottante où les cargaisons étaient déchargées vendredi en fin d’après-midi et en soirée.
«WCK décharge près de 200 tonnes de riz, de farine, de protéines et bien plus encore, arrivées par voie maritime plus tôt dans la journée. Au même moment où cette cargaison est transbordée, notre deuxième navire se prépare à quitter Chypre avec des centaines de tonnes de vivres supplémentaires», s’est félicité tard vendredi soir l’ONG sur X.
«Malgré l’obscurité et les difficultés, le travail ne s’arrête pas à Gaza pour décharger les 200 tonnes de nourriture de WCKitchen (...) Espérons que ce couloir que nous avons ouvert aujourd’hui constituera une voie parallèle aux voies terrestres pour alléger la faim et les souffrances», a renchéri Open Arms.
«Je veux (de l’aide) pour mes enfants. Je veux qu’ils vivent et ne meurent pas de faim. Ils ne mangent que des plantes sauvages, il n’y a pas de pain, il n’y a pas de pain. Il n’y a rien à manger à Gaza. C’est le mois du Ramadan et il n’y a rien», a déclaré à l’AFP Abou Issa Ibrahim Filfil, un Palestinien venu scruter l’arrivée du navire.
L’ONU, l’Union européenne, les États-Unis et d’autres pays ont rappelé ces derniers jours que l’acheminement d’aide par les airs ou la mer ne pouvait se substituer aux routes terrestres. Et si le navire d’Open Arms a pu s’approcher de Gaza -qui ne compte aucun port de marchandises- pour décharger sa cargaison, il avait été soumis au préalable «à un contrôle de sécurité complet», a déclaré l’armée israélienne qui a imposé un siège total au Territoire palestinien depuis 5 mois.
L’attaque du Hamas le 7 octobre 2023 sur le sol israélien a entraîné la mort de plus de 1.160 personnes, en majorité des civils, selon un décompte de l’AFP à partir de données officielles israéliennes.
En représailles, Israël pilonne depuis plus de 4 mois la bande de Gaza, qu’il maintient sous blocus depuis 17 ans et sous un siège total depuis le début de la guerre. Les bombardements et les opération terrestres de l’armée israélienne ont tué plus de 31.490 Palestiniens, en grande majorité des femmes, des enfants et des adolescents, et fait près de 73.000 blessés, selon le dernier bilan du ministère de la Santé du Hamas.
En Cisjordanie, territoire palestinien occupé par Israël depuis 1967 et où le Hamas n’est pas représenté, plus de 450 Palestiniens ont été tués par les soldats et les colons israéliens depuis le 7 octobre, et des centaines de personnes ont été «arrêtées» par les forces israéliennes.
La guerre a aussi exacerbé les tensions dans les Territoires palestiniens occupés, où les fidèles musulmans ont participé vendredi à la première grande prière depuis le début du ramadan lundi. À Jérusalem-Al Qods, des dizaines de milliers de fidèles se sont réunis sans incident sur l’esplanade des Mosquées, sous haute surveillance policière, pendant qu’à Gaza, des habitants se rassemblaient pour prier au milieu des ruines.
«Nous nous rassemblons sur les décombres de notre mosquée détruite. Cette année, le ramadan est complètement différent à cause de tous les martyrs et des nombreux blessés, et du manque de nourriture», a témoigné Baker Abou Ghiran, un déplacé à Rafah.
Opération sur Rafah?
Tandis que les tractations s’activent en coulisses pour une trêve, le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu a approuvé «les plans d’action» de l’armée en vue d’une offensive à Rafah, où sont massés, selon l’ONU, environ 1,5 million de Palestiniens. Cette opération pourrait intervenir à défaut d’accord de trêve ou après une éventuelle pause de six semaines dans les combats.
«L’armée israélienne est prête pour le côté opérationnel et pour l’évacuation de la population», selon ses services qui ne donnent aucune autre précision sur cette opération contre laquelle les États-Unis et l’ONU ne cessent de mettre en garde. «Nous ne soutiendrons pas un plan qui ne prenne pas en compte le million et demi de Palestiniens», a prévenu vendredi John Kirby, un porte-parole de la Maison Blanche.