Le ministre Lamamra a, paraît-il, une «justification» quant à l’interdiction de manifester à Alger. "Les mesures qui s’appliquent, à titre exceptionnel, à la manifestation sur la voie publique à Alger sont liées à des considérations propres à la capitale", a-t-il lamentablement tenté d’expliquer, sous le regard médusé de ses pairs du Conseil des droits de l’Homme, à Genève. "L’Etat ne peut, en sa qualité de responsable de la sécurité et de l’ordre publics, se risquer à [...] autoriser [les manifestations] lorsqu’il s'avère que leurs organisateurs ne remplissent pas les conditions qui concourent à leur déroulement pacifique, sans porter préjudice aux biens des personnes ou être la cible de visées terroristes", a-t-il "argué".
Vous avez bien lu: saccages des biens publics et menace terroriste sont invoqués pour justifier "l’état d’exception" imposé (excusez le paradoxe!) durablement et indéfiniment à Alger.
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Mais passons, car ce qui semble échapper aux verres grossissants de Lamamra, habitué à faire tout un "ramadan" autour de la situation au Sahara marocain, c’est que "l’état d’exception" instauré à Alger, sous état de siège permanent, n’a cours que dans les dictatures.
Voilà, le mot est lâché. Sauf que cela n’est pas vu de cet oeil lucide par le vaillant chef de la diplomatie algérienne. On vous laisse apprécier cette envolée utopique et qui vient nous édifier sur la déconnexion totale des officiels algériens tapis au luxueux Club des pins, à Alger, de la réalité de leur pays. "La démocratisation en Algérie n’est ni un slogan de campagne, ni un caprice d’intellectuels", a-t-il klaxonné, au risque de faire retourner dans sa tombe un Mohamed Tamalt, journaliste qui, en 2016, a payé de sa liberté et de sa vie une "offense à son excellence monsieur le président Abdelaziz Bouteflika"!
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"De quelle Algérie parle M. Lamamra à Genève ?", s’interroge, la mort dans l’âme, notre confrère "Le Matin d’Algérie". "Ramtane Lamamra s’efforce de faire passer l’organisation d’élections comme un gage de démocratie. Il est manifeste qu’en haut lieu, le pluralisme rime avec le nombre de partis. A l’aune de ce calcul, l’Algérie est effectivement une démocratie. Seulement la réalité est tout autre", a-t-il asséné. Et d’enfoncer ce clou: "Le ministre d’Etat évite de préciser à ses interlocuteurs que le parti FLN dirige l’Algérie depuis plus d’un demi-siècle et que l’écrasante majorité des formations politiques (71 partis agréés) qui viennent crédibiliser les messes électorales n’ont aucune profondeur populaire ni programme politique; ils sont essentiellement constitués de larbins qui viennent profiter des deniers publics à chaque scrutin".
71 partis agréés! Dans cette proportion grandiloquente, l’Allemagne d’Angela Merkel, à laquelle le Premier ministre Sellal a souvent tendance à comparer l’Algérie!, aura certainement de quoi rougir! "A Genève, Ramtane Lamamra a fait montre d’un cynisme ahurissant", souligne le Matin d’Algérie. "Aussi notre ministre se lance-t-il dans une tirade empreinte de démagogie la plus pure", relève encore notre confrère. Jugez-en: "La tenue régulière et dans les délais fixés d’élections libres et transparentes, la diversité de la composante du Parlement où sont représentés 36 partis et une vingtaine d’indépendants, le fonctionnement démocratique des institutions est le meilleur signe d’une démocratie viable".
Arguments éculés, captieux… "De quelle Algérie parle le ministre d’Etat devant le Conseil des droits de l’Homme? Qui veut-il berner en accolant les traits d’une démocratie à la nordique à une Algérie où l’expression syndicale est étouffée, les partis d’opposition interdits de réunions. Les déclarations de Lamamra tombent bien mal puisqu’elles arrivent quelques jours après la publication des résultats de législatives particulièrement calamiteux".
Et tant qu’à parler d’élections, celles qui viennent de se dérouler en Algérie (législatives) ont été tout sauf « transparentes ». Pour s’en rendre compte, il n’est qu’à méditer sur la raison de la grève des "intestins vides" entamée ce mardi même, par le président du Front national algérien, Moussa Touati. "Je dénonce la fraude honteuse constatée partout dans le pays en faveur du FLN et du RND, les partis du régime", a déclaré le gréviste, pointant un "trafic électoral" comme il y en a tant dans les dictatures.