À Derna, ville de 100.000 habitants bordant la Méditerranée dans l’est de la Libye, le désastre a laissé un paysage de désolation: ponts coupés en deux, voitures renversées, camions fracassés, poteaux électriques et arbres déracinés et effets personnels maculés de boue. Mohammed Al-Zawi, 25 ans, vit dans une maison près de la plage. Il raconte avoir vu, la nuit du drame, «des flots d’eau emportant des voitures avec des gens à l’intérieur. Tout a été déversé dans la mer».
Selon un dernier bilan, communiqué dans la soirée du dimanche 17 septembre par le ministre de la Santé du gouvernement, Othman Abdeljalil, la catastrophe a fait 3.283 morts, après la découverte de 31 corps dimanche. Des organisations humanitaires internationales et des responsables libyens ont averti néanmoins que le bilan final pourrait être beaucoup plus lourd en raison du très grand nombre de disparus, évalué à des milliers.
«Vu la mort»
La tempête Daniel, qui a frappé Derna le 10 septembre, a entraîné la rupture de deux barrages en amont et provoqué une crue de l’ampleur d’un tsunami le long de l’oued qui traverse la cité. Elle a tout emporté sur son passage.
Mohamad Abdelhafidh, un Libanais résidant à Derna, dit avoir «vu la mort». Il dormait quand il a senti une «secousse». «J’ai cru à un tremblement de terre». L’eau est montée jusqu’au niveau de son appartement, au 3ème étage.
Les équipes de secours libyennes et étrangères annoncent retrouver des corps chaque jour, mais les recherches sont rendues difficiles par les tonnes de boue qui ont recouvert une partie de la ville. Quotidiennement, des dizaines de corps sont extraits des décombres de quartiers dévastés par les inondations ou rejetés par la mer et enterrés dans un paysage apocalyptique.
Dimanche, dans le port de Derna, trois plongeurs volontaires locaux se contentaient d’observer une équipe italienne de secours qui utilisait une caméra sous-marine pour chercher des corps dans l’eau. Selon eux, Le Croissant-Rouge libyen leur avait demandé de laisser faire des «équipes spécialisées», «parce que la décomposition des corps représente un risque pour leur santé».
Hamza al-Khafifi, un soldat, parle quant à lui de corps éparpillés sur la corniche de Derna, «des vieux, jeunes, femmes, hommes et enfants. Il y avait des corps coincés entre les rochers». «J’ai vu de mes propres yeux l’ampleur du désastre. Cette crise dépasse la capacité de la Libye à la gérer», a déclaré l’émissaire de l’ONU en Libye, Abdoulaye Bathily, après une visite à Derna samedi.
«Beaucoup plus difficiles»
L’organisation des secours est rendue compliquée par le chaos politique qui règne dans le pays depuis la mort de Mouammar Kadhafi en 2011: deux gouvernements, l’un à Tripoli (ouest), reconnu par l’ONU, et l’autre dans l’Est, se disputent le pouvoir.
Le ministre britannique des Affaires étrangères, James Cleverly, a déclaré dimanche à la BBC que les équipes de secours doivent notamment «disposer de la logistique nécessaire, être en mesure d’arriver au bon endroit et (...) être en contact avec les autorités». «Beaucoup de ces choses ne sont tout simplement pas en place (dans l’est de la Libye) et cela rend les choses beaucoup plus difficiles», a-t-il déploré.
La mobilisation internationale reste néanmoins forte. Les avions transportant des équipes de secours et d’assistance d’organisations internationales et de plusieurs pays continuent d’arriver à l’aéroport de Benghazi.