Irak: le grand retour du bouillant Moqtada Sadr

Des partisans de Moqtada Sadr fêtent la victoire de sa liste aux législatives irakiennes.

Des partisans de Moqtada Sadr fêtent la victoire de sa liste aux législatives irakiennes. . DR

L'alliance du nationaliste Moqtada Sadr et des communistes a remporté les élections législatives irakiennes, après le recomptage manuel décidé en juin par la Cour suprême en raison de soupçons de fraude, a annoncé vendredi la commission électorale.

Le 10/08/2018 à 10h05

Allié aux communistes, le bouillant dirigent chiite a confirmé sa première place avec 54 sièges, lors du premier scrutin organisé après la victoire sur le groupe Etat Islamique (EI). L'EI avait fait trembler durant trois ans le pays en contrôlant un tiers du territoire et notamment Moussoul, la ville du nord, dont les jihadistes avaient fait leur capitale. Ce recomptage décidé en raison des failles supposées dans le décompte électronique et les soupçons de manipulation n'a pas changé radicalement les résultats.

L'unique gain concerne l'Alliance de la Conquête, regroupement d'anciens combattants anti-jihadistes proches de l'Iran, qui a remporté un siège supplémentaire au détriment d'une liste locale à Bagdad. Elle maintient sa seconde position avec 48 sièges au lieu de 47, a précisé dans un communiqué la Commission composée de neuf juges. Les six uniques changements sont intervenus parmi les candidats au sein des listes.

La liste du Premier ministre Haider al-Abadi reste en troisième position avec 42 sièges, suivie de celle du laïc Iyad Allawi, qui compte de nombreuses figures sunnites (21 sièges) et celle de la liste de Hikma du dignitaire chiite Ammar al-Hakim (19 sièges). En raison du système électoral à la proportionnelle, aucune liste ne peut à elle seule obtenir la majorité absolue. Des alliances doivent donc se nouer pour obtenir la majorité des 329 sièges du nouveau Parlement.

La Cour suprême doit désormais proclamer les résultats définitifs, puis le président de la République sortant a quinze jours pour convoquer le nouveau Parlement, qui doit élire un nouveau chef de l'Etat. Ce dernier doit alors choisir un Premier ministre au sein de la coalition majoritaire. Les tractations vont bon train et les rencontres se multiplient alors que les mouvements de contestation sont toujours vivaces, notamment dans le sud du pays.

La colère gronde contre la corruption, le chômage ou l'absence de services publics, malgré les sommes colossales investies, dont une partie s'est retrouvées dans les poches de politiciens et de hauts fonctionnaires. Pour tenter de calmer les esprits et surtout de garder son poste, le Premier ministre a suspendu le ministre de l'Électricité et démis quatre directeurs généraux de ce ministère emblématiques, car les coupures de courant sont endémiques alors que la température atteint en été les 50 dégrés.

Moqtada Sadr, qui avait fait campagne contre la corruption et organisé chaque semaine des manifestation contre ce fléau, a présenté aux autres partis une liste de 40 propositions, notamment sociales, et déclaré que si elles étaient refusées, sa liste siègerait dans l'opposition. Pour la première fois depuis l'instauration du multipartisme en 2005, après la chute du dictateur Saddam Hussein et la conquête du pouvoir par les chiites, majoritaires en Irak, les partis de cette communauté se sont présentés en ordre dispersé aux législatives du 12 mai.

Moqtada Sadr, qui avait multiplié les signes d'indépendance face à l'Iran, allant même jusqu'à effectuer une visite en Arabie saoudite, grand rival de Téhéran, a emporté les élections à la tête d'une alliance inédite avec les communistes. Depuis, l'Iran chiite est à la manoeuvre. L'influent général Ghassem Soleimani, émissaire iranien régulièrement impliqué dans les affaires irakiennes, a tout d'abord tenté de constituer une coalition sans Sadr. Mais, ayant réalisé qu'il était difficile à écarter, Téhéran cherche désormais à l'inclure dans une vaste alliance chiite pour le neutraliser.

Le 10/08/2018 à 10h05