La capitale chinoise accueille les 17 et 18 octobre des représentants de 130 pays, dont le dirigeant russe, à l’occasion du forum des Nouvelles routes de la soie qui marquera le 10ème anniversaire du lancement de ce vaste projet d’infrastructures. Ce programme, dont l’appellation officielle est «La Ceinture et la Route», vise à améliorer les liaisons commerciales entre l’Asie, l’Europe et l’Afrique par la construction de ports, de voies ferrées, d’aéroports ou de parcs industriels.
En dépit de son importance, tous les regards seront tournés sur Vladimir Poutine, dont la dépendance stratégique à l’égard du géant asiatique s’est accrue depuis le début de son offensive en Ukraine, qui a isolé la Russie à l’international.
Hormis un déplacement au Kirghizstan jeudi, le dirigeant russe a pris soin d’éviter les voyages à l’étranger depuis le début de la guerre en 2022 et le mandat d’arrêt lancé contre lui par la Cour pénale internationale pour la «déportation» d’enfants ukrainiens. La Chine a refusé de condamner l’invasion de l’Ukraine et cherche à se positionner comme une partie neutre dans le conflit, tout en offrant à Moscou une assistance diplomatique et financière vitale.
«Possibilités illimités» -
Les échanges commerciaux entre les deux pays ont atteint des niveaux record en 2022, à quelque 190 millions de dollars, selon les douanes chinoises. Pour 2023, Pékin et Moscou se sont engagés à porter ce chiffre à 200 millions de dollars. Lors d’une visite en mars du président chinois en Russie, M. Poutine s’est félicité des «possibilités et des perspectives vraiment illimitées» qu’offre la coopération russo-chinoise face au bloc occidental.
En mai, Xi Jinping a promis au Premier ministre russe Mikhaïl Michoustine en visite à Pékin son «ferme soutien» en matière d’«intérêts fondamentaux» et appelé à «renforcer» la coopération économique avec Moscou.
Selon des experts, M. Poutine se rend à Pékin avec l’objectif de concrétiser ces promesses et d’obtenir un soutien accru concernant sa guerre en Ukraine. «Y compris une aide militaire létale», souligne Bjorn Alexander Duben, expert en relations sino-russes à l’université de Jilin en Chine. Jusqu’à présent, Pékin a pris soin de ne pas fournir de tels armements à Moscou.
Moyen de pression
Mais «la Chine ne veut pas d’une Russie très affaiblie et pourrait intensifier ses efforts si elle venait à se rendre compte que Moscou pourrait perdre», analyse Alicja Bachulska, du Conseil européen des relations étrangères. «L’effondrement du régime de Poutine et le chaos qui en découlerait sont perçus comme une menace sécuritaire sérieuse», poursuit-elle. «Pékin pourrait être prêt à renforcer son soutien à la Russie pour éviter un tel scénario».
La rébellion avortée du groupe Wagner en juin a fait craindre à Pékin un affaiblissement de la stabilité de son partenaire stratégique. La Chine avait alors immédiatement apporté son soutien à la Russie mais pourrait aujourd’hui utiliser cet épisode comme un moyen de pression sur M. Poutine, selon des analystes.
«Les Chinois sont très durs en affaires», estime l’analyste russe indépendant Konstantin Kalachev, selon qui il n’y aura pas «d’avancées» lors de cette visite sur le projet de gazoduc géant Force de Sibérie 2, dont Moscou veut accélérer la construction mais pour lequel Pékin a évité tout engagement formel à ce stade.
«La domination de la Chine dans les relations» russo-chinoises «s’est considérablement accrue», résume Bjorn Alexander Duben. Au point que les rapports « se transforment progressivement en une relation de dépendance directe», estime-t-il.