"Heureusement, je suis aujourd'hui en bonne santé. Cependant, quand je vois ma forme décliner progressivement, je m'inquiète de la difficulté à remplir mes fonctions en tant que symbole de l'Etat", a-t-il déclaré dans une rare allocution télévisée, invoquant son âge et la nécessité d'être pleinement investi dans sa mission.
Il dit exprimer ses pensées, étant dans l'impossibilité de "faire de commentaires spécifiques sur le système impérial".
Le souverain n'a en conséquence pas prononcé le mot "abdication" car la Constitution l'en empêche. Un tel terme serait considéré comme un acte politique, ce que prohibe la charte fondamentale.
En revanche, il a critiqué en creux un possible système de régence: "Je pense qu'il n'est pas possible de continuer à alléger continuellement les tâches de l'empereur", car cela reviendrait selon lui à laisser en place un empereur dont le rôle serait vidé de sa substance, ce qu'il semble vouloir éviter.
27 ans de règneDe la même façon, il a dit qu'il lui arrivait "de temps en temps de se demander s'il ne serait pas possible d'éviter une telle situation", où le pays se retrouve confronté à la mort de son empereur en fonction, car le deuil et tous les événements funéraires sont très lourds.
Celui qui règne depuis 27 ans, au nom de "l'accomplissement de la paix" (ère Heisei), vient ainsi de façon très ambiguë suggérer son souhait d'une modification du régime impérial pour lui permettre de transférer "de son vivant" ses fonctions à son fils, le prince héritier Naruhito.
"L'empereur aurait plutôt envie de continuer, mais d'un autre côté son tempérament et la conscience de sa forte responsabilité font qu'il a peur de commettre des erreurs et de causer des problèmes, et cela le préoccupe fortement", expliquait il y a quelques jours à la chaîne NNN (Nippon News Network) son camarade de jeunesse Mototsugu Akashi, qui le rencontre encore régulièrement.
Les impératifs de calendrier de l'empereur et du gouvernement font que cette allocution exceptionnelle intervient entre les commémorations des bombardements atomiques de Hiroshima et Nagasaki, et à une semaine du 71e anniversaire de la fin de la guerre, lorsque le 15 août 1945, le père d'Akihito, l'empereur Hirohito (aussi appelé Showa), prononçait la capitulation sans condition du Japon. Celui qui était demi-dieu sur le trône du Chrysanthème depuis 1925 fut déchu de ce statut divin mais continua de régner jusqu'à son décès, début 1989.
Vers un débatSon fils a depuis bousculé avec finesse les traditions et ses propos de lundi pourraient être un nouveau pas dans ce que d'aucuns nomment "la modernisation" du régime impérial japonais.
Le débat va s'ouvrir, si l'on en juge par le commentaire du Premier ministre Shinzo Abe qui a immédiatement déclaré: "Nous recevons avec sérieux les mots de sa majesté l'empereur et nous devons y réfléchir profondément."
Cette discussion risque de mettre aux prises les tenants d'une extension du système de régence existant, ce qui serait la solution la plus simple, face à ceux qui accepteraient d'aller plus loin, l'autorisation donnée au souverain d'abdiquer, passé un certain âge ou selon d'autres critères qu'il restera à définir.
Bien qu'elles ne soient guère médiatisées, les fonctions de représentation de l'Etat accomplies par l'empereur sont lourdes, comme l'avait souligné en 2013 son fils cadet, Akishino.
Il doit signer nombre de textes de loi, traités et autres documents transmis par le gouvernement (un millier l'an passé), assister à de nombreuses réceptions (270 en 2015), recevoir des représentants d'Etats étrangers, etc.
Un sondage de l'agence de presse Kyodo publié la semaine passée indiquait que 85% des Japonais seraient favorables à un allègement des tâches de l'empereur s'il en émettait le voeu.
Le souverain et l'impératrice Michiko sont immensément respectés pour l'image de sagesse qu'ils ont toujours su montrer et la compassion sincère exprimée envers les victimes des nombreuses catastrophes naturelles endurées par le pays.