Avant l'élection de Nicolas Sarkozy en 2007, les relations franco-libyennes avaient été émaillées de nombreux heurts: l'opération Manta de la France pour soutenir N'Djamena dans la guerre tchado-libyenne, la mise en cause de Tripoli après l'explosion d'un DC-10 de la compagnie française UTA au dessus du Niger.
La Libye de Mouammar Kadhafi, qui règne sur son pays depuis 1969, figure en bonne place parmi les Etats les moins fréquentables sur la scène diplomatique. La situation évolue progressivement au tournant des années 2000, les relations diplomatiques se réchauffant au gré du progrès des négociations d'indemnisation sur l'affaire du DC10 et de la volonté du leader Libyen de se rapprocher des Occidentaux.
A partir de la levée de l'embargo de l'ONU en 2003, une trentaine d'entreprises françaises s'installent en Libye, dont Total, EADS, Thales, Areva. Le président Jacques Chirac se rend à Tripoli en novembre 2004 et Nicolas Sarkozy, alors ministre de l'Intérieur, rencontre Kadhafi en 2005. Reste un gros écueil sur la voie de la normalisation: les infirmières bulgares détenues en Libye, accusées d'avoir contaminé des enfants libyens avec le virus du sida.
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"C'était le dernier obstacle entre Kadhafi et les Occidentaux. C'est là que Sarkozy arrive dans le jeu et dit: +je veux être celui qui ramène les infirmières+", explique à l'AFP Antoine Vitkine, réalisateur des documentaires "Kadhafi, notre meilleur ennemi" et "Le Président et le dictateur: Sarkozy-Kadhafi".
Le président français tout juste élu devient donc un des artisans dénouement de cette crise. Elles sont libérées en juillet 2007 et quittent la Libye dans l'avion de la présidence française, accompagnées de Cécilia Sarkozy, son épouse d'alors. Là, "il s'est noué quelque chose" entre le "Guide de la révolution" et la France, déclare à l'AFP le ministre des Affaires étrangères de l'époque, Bernard Kouchner.
"C'est le début de tout" dans la relation franco-libyenne sous le mandat de Nicolas Sarkozy, estime Vitkine. Cette relation va atteindre son apothéose quelques mois plus tard, en décembre 2007, lors des cinq jours de visite de Kadhafi à Paris. Elle marquera les esprits. Le dirigeant Libyen plante une tente bédouine dans les jardins de l'hôtel de Marigny, dépendance de l'Elysée juste à côté du palais présidentiel, provoquant sarcasmes et critiques. "C'était grotesque", se rappelle Kouchner. "La France n'est pas un paillasson sur lequel un dirigeant peut venir s'essuyer les pieds du sang de ses forfaits" lance publiquement la secrétaire d'Etat aux droits de l'Homme Rama Yade. "J'assume! La France l'a reçu, la France reçoit bien ses amis, ou alors ce n'est plus la France", rétorque Sarkozy en janvier 2008.
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La relation se détériore toutefois progressivement après cette visite. D'autant que "l'un des grands objectifs de Nicolas Sarkozy était l'Union pour la Méditerranée", cette alliance des pays du bassin méditerranéen, rappelle M. Vitkine. Or Kadhafi snobe le sommet de lancement à Paris en 2008.
Puis arrivent les printemps arabes avec le soulèvement populaire en Tunisie fin 2010, qui s'étend à l'Egypte, puis à la Libye. Nicolas Sarkozy condamne en février 2011 "l'usage inacceptable de la force" contre les manifestants libyens et lance: "Kadhafi doit partir". Pour Vitkine, "c'est une opportunité pour Nicolas Sarkozy. Le soulèvement populaire est réel", et la France n'a pas vu venir les événements en Egypte et en Tunisie. En plein soulèvement tunisien, la ministre des Affaires étrangères Michèle Alliot-Marie fait scandale en proposant le "savoir-faire" français aux forces de l'ordre tunisiennes.
En mars débute l'intervention militaire française Harmattan, dans le cadre de l'OTAN, menée aux côtés des Britanniques et des Américains, avec le feu vert de l'ONU. C'est aussi en mars qu'un des fils de Kadhafi, Seif Al-Islam, déclare: "il faut que Sarkozy rende l'argent qu'il a accepté de la Libye pour financer sa campagne électorale". Ces soupçons de financement libyen valent à l'ex-président français d'avoir été placé en garde à vue mardi.
Vaincu, Mouammar Kadhafi est capturé puis tué par les rebelles à Syrte en octobre 2011. L'Etat libyen ne se relèvera pas de cette guerre. Le pays est depuis en proie au chaos.