Le principal suspect de l'attentat du marché de Noël de Berlin, le Tunisien Anis Amri, avait vu sa demande d'asile rejetée et aurait été expulsé si son pays n'avait pas bloqué la procédure. Ce qui exaspère les responsables allemands.
Berlin a en effet mis la pression sur le Maroc, la Tunisie et l'Algérie début 2016, peu après que la police eut établi que l'essentiel des auteurs identifiés des centaines d'agressions sexuelles commises la nuit du Nouvel An à Cologne étaient des ressortissants de pays du Maghreb en situation irrégulière.
Lorsque l'Allemagne veut renvoyer un demandeur d'asile débouté en Algérie, au Maroc ou en Tunisie, malgré l'existence d'accords de réadmission, ces trois pays réclament que l'intéressé soit en possession d'un document d'identité national valide, faute de quoi l'Etat concerné refuse de reprendre son ressortissant.
Tout Tunisien, Marocain ou Algérien, s'il veut éviter une expulsion, n'a alors qu'à détruire ses papiers d'identité pour échapper au moins temporairement à l'expulsion.
Du côté allemand s'engage alors une procédure administrative lourde. Berlin demande officiellement au pays concerné d'établir un document de voyage provisoire pour la personne devant être expulsée et doit fournir pour cela les éléments permettant de prouver son identité (les empreintes digitales par exemple).
Dans le cas d'Anis Amri, dont la demande a été rejetée en juin 2016, cela a pris des mois. La Tunisie a d'abord nié qu'il soit tunisien avant de se rendre à l'évidence.
Coïncidence, l'accord de Tunis en vue de l'expulsion est arrivé en Allemagne mercredi 21 décembre, deux jours après l'attentat dont est soupçonné le jeune tunisien.
En début d'année, Thomas de Maizière, le ministre allemand de l'Intérieur s'était pourtant rendu dans les trois capitales maghrébines et était revenu avec des promesses d'une coopération accrue en matière d'expulsion et de réadmission.
Les ressortissants de ces pays d'Afrique du Nord n'ont presque aucune chance d'obtenir le statut de réfugié. Entre janvier et novembre 2016, le taux de demandes d'asile approuvées était de 2,7% pour les Algériens, 3,5% pour les Marocains et 0,8% pour les Tunisiens.
Entre janvier et novembre 2016, 3.416 Algériens, 3.829 Marocains et 902 Tunisiens ont déposé des demandes d'asile. A titre de comparaison, au premier semestre, 56 personnes ont été renvoyées en Algérie, 43 au Maroc et 67 en Tunisie.
Face à ces difficultés, le gouvernement allemand a décidé au début de l'année de classer "pays sûrs" les trois Etats du Maghreb, un message envoyé aux candidats au départ pour leur signifier que leurs chances de rester en Allemagne sont quasi-nulles.
Concrètement, cette classification permet de faciliter et d'accélérer le rejet des demandes d'asile et d'imposer un lieu de résidence aux intéressés afin qu'ils puissent le cas échéant être expulsés sans délais.
Mais rien ne s'est passé comme prévu. Si la loi a été votée sans problème par la chambre des députés où la chancelière Angela Merkel dispose d'une majorité écrasante, le texte a été bloqué par la chambre haute du Parlement, le Bundesrat, si bien qu'à ce jour Maroc, Algérie et Tunisie ne son pas classés "sûrs".
Dans cette assemblée représentant les régions, la coalition au pouvoir n'a pas de majorité suffisante et a besoin du soutien d'une partie de l'opposition. Or celle-ci, les Verts en particulier, refuse cette classification en arguant de discriminations visant les homosexuels, les atteintes à la liberté d'expression et les cas de torture au Maghreb.