C'est lors d'une réunion extraordinaire de la Ligue arabe au Caire, tenue à la demande de Riyad, que le ministre saoudien des Affaires étrangères Adel al-Jubeir a lancé une attaque en règle contre l'Iran et ses "agents", en allusion au Hezbollah libanais et aux rebelles Houthis au Yémen.
L'Arabie saoudite sunnite et l'Iran chiite, dont les relations diplomatiques sont rompues depuis janvier 2016, s'opposent sur plusieurs conflits dans la région, dont les guerres au Yémen et en Syrie, ainsi que sur le dossier libanais.
"L'Arabie saoudite ne restera pas les bras croisés face aux agressions de l'Iran et n'épargnera aucun effort pour défendre sa sécurité nationale afin de protéger son peuple", a dit M. Jubeir dans un discours lors de la séance plénière.
"Garder le silence face aux agressions iraniennes à travers ses agents dans la région ne mettra aucune capitale arabe à l'abri des missiles balistiques", a-t-il ajouté en accusant l'Iran d'"ingérences" dans les affaires arabes et d'avoir "créé des agents comme le Hezbollah et les Houthis".
Dans un registre tout aussi virulent, cheikh Khaled ben Ahmad Al-Khalifa, ministre bahreïni des Affaires étrangères, a estimé que le Liban est sous le "contrôle total" du Hezbollah, accusé "d'organisation terroriste".
"Ce parti terroriste ne conduit pas seulement des opérations à l'intérieur des frontières du pays, mais il traverse toutes les frontières de nos nations. C'est une menace pour la sécurité nationale arabe", a-t-il martelé.
L'objectif de la réunion de la Ligue arabe, selon un document officiel transmis à l'AFP, est de discuter "des moyens de contrer les interventions iraniennes dans les pays arabes et ses atteintes à la sécurité et à la paix". Riyad cherche notamment à faire adopter une résolution portant condamnation de "l'Iran et des milices arabes liées à ce pays". Après une séance plénière, les ministres arabes tenaient en soirée une réunion à huis clos.
L'Arabie saoudite soupçonne l'Iran d'être derrière deux incidents récents: un tir de missile des rebelles Houthis du Yémen en territoire saoudien le 4 novembre et un attentat contre un oléoduc à Bahreïn le 11 novembre. La requête de Riyad devant la Ligue arabe visait examiner ces deux incidents.
L'Iran dément être à l'origine des troubles dans la région, pointant au contraire du doigt son rival saoudien.
Le 4 novembre, l'Arabie saoudite avait annoncé avoir intercepté et détruit au nord-est de Riyad un missile balistique qui provenait du Yémen en guerre. Les Houthis ont revendiqué avoir lancé le missile pour viser l'aéroport de Riyad. Le prince héritier saoudien, Mohammed ben Salmane, a accusé Téhéran d'être derrière cette "agression militaire directe" contre son pays. L'Iran a démenti toute implication, appelant Riyad à ne pas jouer avec le feu.
De leur côté, les autorités de Bahreïn ont accusé l'Iran d'être responsable de l'incendie qui a interrompu momentanément l'approvisionnement de ce royaume du Golfe en pétrole saoudien. Là aussi, Téhéran a démenti toute implication.
Bahreïn, dirigé par une dynastie sunnite, accuse régulièrement l'Iran de liens avec des Bahreïnis chiites poursuivis par les autorités pour des "violences". Ce petit royaume est secoué par des troubles depuis 2011, la majorité chiite réclamant des réformes à la monarchie sunnite au pouvoir pour être mieux représentée.
L'Arabie saoudite a accusé à plusieurs reprises l'Iran de fournir des équipements militaires clandestinement aux rebelles Houthis, ce que Téhéran dément.
A la suite de l'incident du missile, les deux rivaux se sont livrés à de vifs échanges doublés d'une dispute sur le Liban où Riyad accuse l'Iran de visées hégémoniques. La démission surprise du Premier ministre Saad Hariri le 4 novembre et son séjour prolongé à Riyad ont plongé le Liban dans une crise.
La classe politique libanaise est divisée entre le Hezbollah -soutenu par l'Iran- et ses alliés d'une part, et une coalition appuyée par les Saoudiens, dirigée par M. Hariri d'autre part. Le chef de la diplomatie libanaise, Gebrane Bassil, n'a pas participé à la réunion du Caire.