"L'automne allemand", période d'attentats sanglants d'extrême gauche en Allemagne, avait culminé avec le détournement du vol 181 de la Lufthansa le 13 octobre 1977 par un commando du Front Populaire de Libération de la Palestine (FPLP) qui réclamait la libération des membres de la RAF, la "bande" d'Andreas Baader.
Pour célébrer les 40 ans de l'événement, Berlin a rapatrié le Landshut depuis le Brésil, où il rouillait sur le tarmac d'un aéroport du nord-est du pays. En trop mauvais état pour voler, le Boeing 737-200 a été partiellement démonté et transporté à bord de deux mastodontes volants de conception soviétiques, un Antonov-124 et un Iliouchine-76, jusqu'à Friedrichshafen, dans le sud-ouest de l'Allemagne, où il sera exposé à partir de 2019 après avoir été restauré.
Des centaines de personnes ont assisté samedi au déchargement de l'appareil. Parmi eux des acteurs du drame, notamment un des policiers allemands, qui libérèrent les otages. "C'est super que le Landshut soit ici (...) ça aurait été étrange de le laisser tomber dans l'oubli", a jugé Aribert Martin à l'antenne de la télévision régionale SWR.
"C'est le symbole vivant d'une société libre qui refuse de céder à la peur et à la terreur", expliquait cet été le ministre allemand des Affaires étrangères Sigmar Gabriel, dont les services ont racheté la carlingue pour 20.000 euros.
C'est sur le tard que Berlin a redécouvert l'importance de cet appareil que la Lufthansa avait vendu. L'avion a ensuite connu plusieurs propriétaires avant de finir au Brésil aux mains d'une compagnie qui ne connaissait même pas son incroyable passé.
Le vol 181 et ses cinq membres d'équipages devaient conduire 86 passagers de Palma de Majorque (Espagne) à Francfort lorsque quatre militants du FPLP le détournèrent pour obtenir la libération de 11 membres de la RAF. Rome, Larnaca, Bahreïn, Dubaï, Aden, Mogadiscio: l'Allemagne est tenue en haleine durant les cinq jours de ce voyage erratique, entre tentatives de négociations et nécessité de ravitaillement.
Le 16 octobre à Aden au Yémen, le sang coule une première fois. Le commandant de bord Jürgen Schumann est contraint de s'agenouiller devant les passagers et est abattu de sang-froid par le chef du groupe du FLPL qui s'est surnommé Capitaine Mahmoud.
Le chancelier allemand, le social-démocrate Helmut Schmidt, reste ferme et refuse de céder aux exigences du commando, qui pourtant menace aussi la vie de Hanns-Martin Schleyer, le patron des patrons allemands enlevé cinq semaines plus tôt par la RAF.
Le 18, à Mogadiscio en Somalie, une manoeuvre de diversion permet d'attirer deux des pirates de l'air dans la cabine de pilotage, favorisant l'assaut par la toute nouvelle unité d'élite allemande GSG-9. Nom de code "Feuerzauber", la "magie du feu" en allemand.
Trois pirates de l'air sont tués, dont leur chef, le quatrième est blessé. Tous les otages restants sont sains et saufs. Helmut Schmidt est informé au téléphone d'un lapidaire: "Le travail est effectué".
Racontant l'assaut samedi, Jürgen Vietor, le copilote du Landshut, a confié que le "plus beau moment a été (d'entendre le GSG9 crier) +baissez la tête, où sont ces porcs? +. Des mots en allemand".
Quelques heures plus tard, les figures de la RAF détenues à Stuttgart - Andreas Baader, Gudrun Ensslin et Jan-Carl Raspe - sont retrouvées mortes dans leur prison. Une quatrième, Irmgard Möller, survit aux coups de couteau qu'elle s'est infligée à la poitrine.
L'enquête conclut à des suicides, mais de nombreuses théories continuent jusqu'à ce jour à circuler, incriminant les autorités ouest-allemandes qui, pressées de se débarrasser de prisonniers encombrants, auraient ordonné des assassinats.
Quant au patron des patrons allemands, lui aussi est mort le 18 octobre 1977, exécuté par ses ravisseurs faute d'avoir pu obtenir la liberté de Baader et des siens. Son corps sera retrouvé à Mulhouse, dans l'est de la France, le lendemain.