Il ne se passe pas un jour sans qu’une actualité mette en avant l’armée algérienne. Il ne se passe pas une semaine sans que le chef de l’armée algérienne, le général Gaïd Salah, inaugure un complexe, un aéroport ou fasse un discours en présence des médias. Le général algérien occupe l’espace médiatique. Il se déplace, donne des conseils, serre des mains, il est partout, alors qu’Abdelaziz Bouteflika n'est nulle part. Quand un président malade suscite des appétits pour sa succession et qu’un chef militaire communique tous azimuts pour combler la carence d’images qui donne à voir Bouteflika, cela s’appelle non seulement se positionner comme successeur du président invisible, mais faire campagne pour s’emparer, dès que l’occasion se présentera, du pouvoir.
L’alliance pour se débarrasser de ToufikRien ne semble arrêter le vice-ministre de la Défense, chef d’état-major de l’ANP (armée nationale de libération), Gaïd Salah, pour décrocher le très convoité siège présidentiel au palais El Mouradia, à Alger. Pas même le frère du président malade, le pourtant tout puissant Saïd Bouteflika, détenteur des clefs de ce temple emblématique du règne «absolu» des Bouteflika. Il n’y a pas très longtemps, les deux hommes se sont alliés pour se débarrasser de l’ancien homme fort d’Alger, le général Mohamed Médiène, dit Toufik, ex. chef des renseignements algériens. Ce dernier ne s’était pas montré enthousiaste quand Bouteflika s’est présenté pour un quatrième mandat présidentiel. Le clan du président ne lui a jamais pardonné les réserves qu’il a émises sur le mandat de Bouteflika. Gaïd Salah, très ambitieux, aura les coudées franches pour décapiter l’empire sur lequel était assis Toufik et jeter en taule ses plus fidèles lieutenants comme le général Hassan, condamné à 5 ans de prison ferme.
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A l’image d’un «bulldozer», Gaïd Salah a tout débroussaillé jusqu’à couper les ailes à l’ancien patron du Département du renseignement et de la sécurité, le général Toufik, dont il est l’artisan de la chute fin 2015. Une acte qui avait laissé sans voix les commentateurs en Algérie, tellement l’ex-«faiseur de présidents» était puissant au point que les Algériens l’ont surnommé «rab dzaïr» (Dieu de l’Algérie)!
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L’ambition de Gaïd Salah sera non seulement de trôner des structures laissées en héritage par Toufik et de paraître comme l’homme tout-puissant de l’armée et des renseignements algériens, mais de se frayer un chemin jusqu’au palais de la Mouradia. Une ambition que verra d’un très mauvais œil Saïd, le frère de l’actuel président. Pour couper les liens de Gaïd Salah avec ses soutiens politiques, son très fidèle ami, Amar Saâdani, à la tête du Front de libération nationale (parti au pouvoir depuis l’indépendance de l’Algérie, en 1962), a été poussé à la démission en octobre 2016. Il fut pourtant celui qui a sonné la première charge contre le général Toufik. Son limogeage est le premier signe patent du bras de fer entre Gaïd Salah et le clan présidentiel.
Guerre sans pitié par médias interposésIl y a des signes qui ne trompent pas. Les sorties de Gaïd Salah trouvent systématiquement écho dans plusieurs médias algériens, sauf la très officielle agence de presse algérienne APS! Il est en effet curieux de constater que l’inauguration par Gaïd Salah, pas plus tard que lundi 6 mars à Tamanrasset, d’une base aérienne de déploiement, pour «la préservation de la sécurité des frontières sud de l’Algérie», a été très largement relayée par la presse algérienne, et que même l’agence de presse chinoise «Xinhua» en a parlé. Mais pas un mot dans l’APS!
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Il apparait à l’évidence que l’APS, dont les leviers de commande se trouvent au palais El Mouradia et non à l’état-major de l’Armée de libération nationale (ANP), a des «instructions fermes» pour faire l’impasse sur les activités de «l’omnipotent et omniprésent» Gaïd Salah, qui n’en rate pas une pour se mettre en avant et faire accréditer l’idée qu’il est le «garant» de la stabilité de l’Algérie.
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Le général Gaïd Salah ne s’en cache d’ailleurs plus en faisant campagne tambour battant pour décrocher le très enviable poste de futur président de la république d’Algérie. Surfant sur la peur chronique du terrorisme, après la décennie des balles et des larmes (années 90), avec son long cortège de morts (250.000 morts), l’homme en kaki semble avoir pris un plaisir maladif à annoncer, chaque jour que le bon Dieu fait, ses «faits d’armes» antiterroristes, mobilisant ses ouailles médiatiques qui sont légion, pour multiplier les effets d’annonce et de manches (neutralisation de groupes terroristes, mises en échec de tentatives d’attentat, découvertes de caches d’armes, etc). La dernière en date, est la découverte par «l’ANP», pas plus tard que lundi 6 mars, de «plus de 9 quintaux de produits chimiques servant dans la fabrication d’explosifs, à Dellys, dans la wilaya de Boumerdès. Ainsi que la destruction, annoncée ce jeudi, «de cinq abris pour terroristes par les forces de l’armée (ANP) à Sétif et Jijel».
Autre fait curieux, contrairement à l’obligation de réserve que doit faire sienne un patron de la Grande muette, le chef d’état-major de l’armée algérienne ne se gêne même plus de mêler son grain de sel dans l’activité politique de son pays alors même qu’il se défend d’avoir des ambitions politiques.
Dans la revue de l’armée algérienne, «El Djeich »!, Gaïd Salah se découvre une vocation d’«éditorialiste», jurant ses grands dieux qu’il n’a pas d’ambition présidentielle. Le fait même que le chef de l'armée algérienne ressente le besoin de s'absoudre publiquement de toute velléité d'intervention dans le champ politique est un signe suffisamment parlant pour comprendre que la menace qu’il fait peser sur le clan présidentiel est prise au sérieux.
Le pouvoir bicéphale à l’épreuve du bulldozerL’activisme du général n’est d’ailleurs pas sans mettre la puce à l’oreille des observateurs internationaux. Evoquant la «guerre» que se livrent le clan Bouteflika et celui de son rival en uniforme, Gaïd Salah, au lendemain de l’annulation de la visite de la chancelière Angela Merkel, le 20 février à Alger, pour «indisponibilité temporaire du président Bouteflika», le quotidien allemand à grand tirage «Die Welt» n’a pas hésité à prêter à Gaïd Salah l’intention de «préparer un coup d’Etat blanc», à l’instar de celui accompli en 2014 par l’ancien maréchal égyptien Abdelfettah el-Sissi.
Pire encore, les services internationaux n’écartent pas un coup d’Etat militaire! Les milieux du renseignement extérieur israélien estiment qu'un coup d’Etat militaire en Algérie est inévitable. «Président mort-vivant», «Vacance du pouvoir», «Guerre au sommet»… Autant de syndromes d'un dérapage anarcho-militaire inévitable en Algérie, recueillis par Gilles Salem, analyste de “Flash-Israël”, journal israélien connu pour sa proximité avec le Mossad. «Alors que le président Abdelaziz Bouteflika appartient au monde des morts-vivants, les trois pouvoirs -le politique, le renseignement et le militaire- aiguisent les couteaux en Algérie», écrit l’analyste israélien, en évoquant un «coup d’Etat militaire» imminent.
Avec l’éviction de Toufik et le démantèlement des services de renseignement DRS, le schéma triangulaire, en Algérie, qui a souvent présidé à une répartition des rôles entre présidence, armée et services de renseignement se trouve aujourd’hui réduit à une bicéphalie. L’Etat algérien est à la fois dirigé par la présidence et l’armée. Avec un président invisible, les appétits du chef de cette armée vont croissant au point qu’il veut plus partager le pouvoir. Cet appétit a atteint sans doute un point culminant avec les annulations successives des visites d’Etat d’Angela Merkel et du président iranien Hassan Rohani, sans parler de l’incapacité de Bouteflika à recevoir Alfonso Dastis, ministre espagnol des Affaires étrangères. Cette rencontre entre Bouteflika et le ministre espagnol avait pourtant été citée par les médias officiels comme le cinglant démenti aux informations relatives au décès du président algérien. Alfonso Dastis est resté à Alger le 8 et 9 mars sans rencontrer Bouteflika, qui est demeuré invisible. De quoi alimenter les rumeurs les plus folles et donner des raisons de croire que Gaïd Salah est prêt plus que jamais pour s’emparer du pouvoir à Alger.