Mercredi 21 juin, le roi Salmane, 81 ans, a nommé son fils de 31 ans prince héritier après avoir évincé son neveu, Mohammed ben Nayef, dont l'expertise antiterroriste était appréciée par l'administration de Barack Obama.
Au cours des deux dernières années, le jeune prince a concentré entre ses mains de vastes pouvoirs aux dépens de son cousin de 57 ans, qui a cessé mercredi d'être prince héritier et ministre de l'Intérieur.
Alors que le jeune prince renforçait son autorité, la popularité de Mohammed ben Nayef en Occident a aidé à le maintenir à son poste, a estimé Stéphane de Lacroix de l'Université Sciences Po à Paris.
Mais "tout a changé avec l'arrivée au pouvoir de Donald Trump", a-t-il noté.
Après son investiture en janvier, le président Trump a clairement signifié que ses partenaires au Moyen-Orient étaient Mohammed ben Salmane, Mohammed ben Zayed, prince héritier d'Abou Dhabi, et Abdel Fattah al-Sissi, le président égyptien, a-t-il souligné.
L'Arabie saoudite a accueilli avec satisfaction le ton plus agressif de Donald Trump vis-à-vis de son rival chiite, l'Iran, qu'elle accuse d'ingérences dans la région.
Mohammed ben Salmane a été l'un des premiers dirigeants arabes à rendre visite à Donald Trump qui l'a reçu en mars à la Maison-Blanche avant de visiter Riyad en mai au début de sa première tournée à l'étranger.
M. Trump a été accueilli royalement en Arabie saoudite où il a exhorté les Arabes et les musulmans à venir à bout des "extrémistes", en désignant l'Iran comme le "fer de lance du terrorisme".
Son approche a encouragé Mohammed ben Salmane et Mohammed ben Zayed à rompre avec le Qatar, accusé de soutenir les mouvements extrémistes et se rapprocher de l'Iran, selon des diplomates et des analystes.
Une fois la connexion établie avec Washington, le prince Mohammed ben Salmane "a su que les Etats-Unis ne feraient rien pour l'empêcher d'écarter" son cousin, analyse M. de Lacroix.
"Je pense que le facteur Trump a énormément joué", a-t-il dit.
Mercredi, le président américain a appelé le nouveau prince héritier pour le féliciter.
De nombreux "signaux de Washington, y compris une politique étrangère plus active" ont joué en faveur du prince Mohammed ben Salmane, a estimé de son côté Frederic Wehrey, du programme Moyen-Orient du Carnegie Endownment for International Peace de Washington.
Selon lui, les Saoudiens n'étaient pas en attente d'un "signe de tête des Etats-Unis" mais le réchauffement des relations bilatérales a joué, en plus de facteurs internes.
Le nouveau prince héritier est devenu de "facto" le dirigeant du royaume saoudien avec des pouvoirs élargis, a souligné Andreas Krieg du département des études de défense du King's College de Londres.
Et la nomination de Mohammed ben Salmane apporte, selon lui, un "élément de certitude en période d'incertitude".
Reste qu'il doit jouir d'un "soutien total" de la famille royale alors que son pays fait face à de nombreux défis, relève M. Krieg.
Il s'agit notamment de la gestion de la crise avec le Qatar, de la guerre au Yémen -où une coalition arabe conduite par Riyad appuie le gouvernement dans son combat contre des rebelles-, de l'adaptation de l'économie à des revenus pétroliers en baisse et de la réforme de la société, profondément conservatrice.
M. de Lacroix ne voit pas beaucoup d'opposition interne à la montée en puissance du prince héritier, à l'initiative d'un vaste programme de réformes économiques.
"Le régime saoudien a toujours été construit sur un équilibre entre les différents acteurs et les différentes factions", a-t-il dit.
Après cette nomination "bien menée", la question est de savoir quelle sera la relation de travail entre Riyad et Washington à un "moment de profonde instabilité au Moyen-Orient", s'interroge Anthony Cordesman du Centre d'études stratégiques et internationales de Washington.